Valkyria Chronicles II | |||||
Sega avait créé une bien agréable surprise sur PS3 avec Valkyria Chronicles, un Tactical-RPG vraiment inventif et différent des autres titres du genre. Aussi, l'annonce de sa suite sur la petite PSP avait de quoi laisser pantois ; après tout, il semblait surréaliste de produire un soft de même ampleur sur ce support. Et pourtant, ce second opus ne manquera pas de séduire les joueurs, tant il est conçu avec ergonomie et offre une expérience fidèle au titre précédent. Aux armes, citoyens, l'université de Lanseal n'attend plus que vous pour sauver Gallia ! - A toi, mon frère, que j'ai z'aimé comme t'un père... - Gallia, 1937. Le petit pays aux importantes ressources en ragnite, un minerai très prisé pour ses vertus énergétiques, goûte une paix précaire suite à un cessez-le-feu signé avec l'Empire au terme de la guerre deux ans plus tôt. La milice a été dissoute, mais les conflits armés n'ont pas encore disparu dans le royaume... Loin de ces considérations ethno-politiques, une terrible nouvelle arriva aux oreilles du jeune Avan Hardins. Son frère aîné Leon, la personne la plus importante à ses yeux et un brillant élève de l'académie militaire de Lanseal, a péri au cours d'une mission. Révolté par le peu d'informations qui lui furent transmises à ce sujet, Avan décida d'entrer à son tour à Lanseal afin d'enquêter sur les circonstances exactes de la mort de son frère. Tout en suivant ses cours et en se liant à ses camarades de la classe G, en particulier la joviale Cosette Coalhearth et Zeri, un Darcsen sarcastique, Avan devra à son tour participer à des missions de sécurité. En plus de contrecarrer l'avancée des rebelles, ces expéditions lui apprendront que la divine Valkyria est encore prête à frapper au cœur du conflit. Malgré lui, le jeune Avan se retrouvera au centre de la guerre civile, et peut-être en décidera-t-il l'issue, avec l'aide de ses camarades et de son fusil... L'intrigue de Valkyria Chronicles 2 s'articule autour de plusieurs pistes qui se croisent, au risque de passer parfois au second plan ou de se perdre dans des à-côtés à l'intérêt discutable. Ainsi, la quête de vérité d'Avan n'est pas spécialement le point de mire du jeu. L'accent est surtout mis sur les méfaits de la discrimination des Darcsens. Les plus grands racistes, d'ailleurs, ne se trouvent pas forcément chez les rebelles.
Avec ou sans ce côté moraliste, l'aventure demeure assez rythmée et se suit sans déplaisir pour peu qu'on ne place pas le réalisme ou la crédibilité par-dessus tout. En effet, quelques passages de l'histoire comme le tournoi interclasses pour savoir qui sont les plus forts peuvent vraiment laisser penser « mais c'est quoi le rapport avec la guerre civile ? ». Cela dit, les nombreuses cinématiques rendent Lanseal assez animée et donnent vie aux personnages. Entre deux fusillades et escarmouches, on assiste à plusieurs discussions d'adolescents comme si on regardait par le trou de la serrure, et cela diminue grandement la pression du climat de conflit national censé régner en maître. Cela donne davantage envie de continuer l'aventure que la prestance des « bad guys » dont le charisme rivalise avec une boîte de choucroute vide.
Même sans avoir joué au premier opus, on n'a pas de problèmes à prendre le train en route. En effet, l'essentiel à savoir est relaté assez brièvement et seuls quelques clins d'œil et références discrètes passeront inaperçus pour les petits nouveaux.
Par contre, ce n'est pas parce que le jeu traite de la guerre et de la discrimination qu'il faut s'attendre à un contenu vraiment mature. Oubliez d'ores et déjà le 16+ affiché sur la boîte. Vu le ton assez innocent, l'absence de scènes réellement violentes ou tendancieuses ainsi que le niveau d'anglais relativement faible, ce jeu relève davantage du 12+. On ne le dira jamais assez, Valkyria Chronicles, ce n'est pas du tout le même genre que Valkyrie Profile, loin s'en faut !
- Let's get creative... - Le premier Valkyria Chronicles affichait un style graphique à mi-chemin entre le cell-shading et l'aquarelle, baptisé CANVAS. Les personnages en retiraient un fragile relief des plus touchants, qui restituait de son mieux la beauté rustique et la paix de Gallia ainsi que les dangers de la guerre et la délicatesse de la vie humaine qu'une simple balle saurait briser.
L'opus PSP opte pour un rendu plus massif. Un fond à l'apparence de papier à gros grains, beaucoup de hachures pour les ombres, des couleurs à peine vives, des peaux opaques comme de l'acrylique, sont les principales caractéristiques des graphismes. Le tout paraît particulièrement vivant, notamment lors des cut-scènes animées, durant lesquelles le grain du fond et les hachures restent fixes. C'est vraiment comme si l'histoire se dessinait d'elle-même, en direct, sur la toile d'un artiste.
Bien que ces fameuses scènes animées ne soient pas rares, la majorité du jeu se déroule en images fixes, un peu comme une bande dessinée interactive. Les personnages apparaissent sous forme de multiples artworks au centre ou sur les bords de l'écran, un peu comme dans un Disgaea. Pour animer ces passages, les visages s'agrémentent de différentes expressions, clignent régulièrement des yeux et des émoticônes comme les gouttes de sueur, signe de gêne, ou l'ampoule annonçant une idée, apparaissent parfois. Les propos s'affichent à l'écran, parfois agrémentés d'un doublage entier, sinon de quelques mots à l'emporte-pièce comme les « Honestly » de Zeri. Le fond est fixe, pas toujours très détaillé, mais après tout, l'attention est focalisée sur les personnages, ne l'oublions pas.
Le character design est assez cliché, toujours dans cette optique voulue « tout public », mais comme l'intégralité de l'univers baigne dans les lieux communs, le rendu en est parfaitement cohérent, immersif et moins lourd que celui du réputé Star Ocean IV. En dépit de leurs uniformes, les étudiants de Lanseal (une quarantaine) ont tous une personnalité bien définie à travers leurs coiffures, postures et mimiques, tout autant que par leur petit bout d'histoire.
En combat, les personnages affichent un rendu bien plus « pur cell-shading » que sur PS3, mais ils sont bien modélisés et reconnaissables. L'animation ne souffre d'aucun ralentissement, même si de légers loadings surviennent pour certaines paroles, en particulier s'il y a pas mal d'ennemis aux alentours ou si c'est une phrase qui n'a pas été usitée depuis longtemps. Les environnements sont fixes, ou alors très peu animés, et pourtant ils restent assez jolis à regarder. Les mouvements des troupes ne souffrent pas de saccades et l'action ne faiblit jamais. Vous pouvez encore accélérer les chargements en installant le jeu directement sur la carte mémoire.
Par contre, le découpage des cinématiques est parfois excessif et manque de cohérence. Par exemple, avant d'entamer une mission « Story » ou « Classmate », on doit toujours assister au préalable à sa cinématique d'ouverture au ton pressant et dramatique, mais on n'est pas obligé d'ouvrir aussitôt les hostilités et on peut se préparer longuement, même plusieurs mois durant si besoin. Un peu comme si on écoutait un boss nous lancer diverses promesses de funeste trépas avant de lui dire "OK, d'accord, mais je prends le temps de m'entraîner et je reviens, ça pose un problème ?". Difficile, du coup, de bien garder le fil si on ne joue pas régulièrement au jeu.
- You're all ready to rock ? - Les musiques ont été composées par Hitoshi Sakimoto, et ce nom ne vous est peut-être pas inconnu. Il a, en effet, déjà officié sur le premier volet de Valkyria Chronicles, et encore avant, sur Final Fantasy XII. L'inspiration s'en ressent, et plusieurs musiques se ressemblent assez étrangement. Entre autres, certains passages du thème des Drill Grounds évoque les plaines Cérobi. Nonobstant, on jouit d'une OST très correcte, respirant aussi bien le bucolique que l'oppressant, le plus souvent très adaptée au moment. Dans la forêt embrumée, les notes mystérieuses et légères s'égrènent durant nos actions, et quand viennent les mouvements des rebelles, les sons deviennent durs et angoissants. De même, les terrains d'entraînement regorgent du dynamisme caractéristique des fougueuses années. Une telle adéquation ne fait que renforcer l'ambiance du jeu, qui en devient encore plus vivante et immersive.
Le doublage souffre d'un net déséquilibre. Sorti des exclamations diverses, qui sont d'ailleurs très réussies, les acteurs ont tendance à jongler sans arrêt entre le théâtral outrancier et la plate récitation quand ils doivent doubler une scène complète. De même, on a des prestations qui sont généralement crédibles (Avan) et d'autres systématiquement atroces (Mischlitt) . La performance globale est cependant loin d'être décevante, il n'y a jamais de quoi grincer des dents mais il y avait quand même moyen de faire mieux à certains passages.
Globalement, Valkyria Chronicles 2 jouit d'une excellente technique, aussi bien graphique que musicale, et véhicule une identité très forte et assumée. Pour peu que l'on ne soit pas allergique à cet univers quelque peu surréaliste qui n'est pas sans rappeler les animés Clannad ou Rumble School, on résistera difficilement à l'ambiance du titre de Sega.
- Let's do some damage guys ! - S'il faut résumer le gameplay de Valkyria Chronicles, on peut penser à un mélange de tactique et de Metal Gear Solid très simplifié. En effet, il est important de maîtriser vos déplacements, mais aussi de savoir vous placer pour tirer... profit de l'environnement. Le jeu de mots est gratuit.
Les personnages sont répartis en cinq classes : les Scouts à la vue perçante qui peuvent marcher longtemps, les Shocktroopers plus polyvalents, les Lancers anti-chars, les Engineers aux facultés de guérisseurs et les Armored Tech qui peuvent suppléer les Scouts dans le rôle d'avancée en terrain inconnu. Chacune de ces classes a ses utilités en fonction des situations, et il vous faudra apprendre à employer l'une ou l'autre au meilleur moment.
Il vous faut gérer un certain nombre de missions « Key » avant de vous occuper de la « Story » et ainsi clôturer le mois en cours. S'il vous faut faire du levelling, les missions « Free » sont disponibles en permanence. Chacune prend entre dix et vingt minutes de jeu et il est impossible de sauvegarder en plein milieu.
Les déplacements se font à l'aide du stick analogique. Si vous avancez à portée de tir des Scouts, Shocktroopers ou Engineers, vous serez assaillis par les balles. Bien entendu, vous ne pouvez pas marcher indéfiniment : à chaque pas, votre jauge d'Action Point diminue, et quand elle est vide, vous ne pouvez plus marcher, juste tourner sur vous-même ou bien vous accroupir.
En appuyant sur Carré, vous passez en visée par-dessus l'épaule, et l'action s'arrête. Vous avez tout le temps pour cibler correctement la tête de vos adversaires, qui est un point sensible, en alternant le stick rapide et la croix plus lente et précise. Une fois que vous êtes satisfait de votre tir, vous pouvez faire feu. Si des camarades se trouvent non loin, vous pouvez bénéficier d'une attaque en binôme. Une fois votre attaque passée, votre opposant contre-attaquera si sa classe le permet et s'il se trouve à portée. Vous pouvez débusquer les soldats ennemis abrités à l'aide de grenades, lance-roquettes ou marteaux. Mais les explosifs ne sont pas illimités, tâchez donc de ne pas les gaspiller. Les Engineers peuvent reconstituer votre stock en passant près de vous.
Une fois les actions d'une unité épuisées, on s'en « désynchronise » avec START. Vous revenez au plan et pouvez alors prendre le contrôle d'une autre unité. Si nécessaire, il est aussi possible de revenir à la même unité, ou à n'importe laquelle ayant déjà servi, mais vous aurez nettement moins d'AP disponibles. Il est aussi possible de rapatrier les personnages déployés, d'en faire venir de nouveaux ou de donner des Ordres. Le nombre d'actions que vous pouvez effectuer de la sorte est défini par votre nombre de « points de commande ». Vous en aurez davantage au fil de la mission si vous repérez et abattez les « leaders » aux casques rouges.
Le blindé est une unité à part et reste assez difficile à utiliser. Totalement personnalisable avant une mission, sa puissance de feu est généralement élevée et il ne craint pratiquement pas les balles, mais il peut exploser d'un seul coup si une roquette atteint son moteur arrière. De plus, il consomme souvent davantage de points de commande qu'un personnage humain, à moins de lui mettre un corps léger. Son principal atout reste ses effets sur le terrain tels construire ponts et escaliers, traverser des zones gelées, pulvériser de gros rochers... Il faut apprendre à s'en servir judicieusement.
Les conditions de victoire de chaque mission varient, et il peut aussi bien être question d'investir le camp principal des rebelles que d'éliminer toutes les forces hostiles, ou encore d'escorter un blindé vers un point précis. L'expérience gagnée est calculée en fonction du nombre de tours d'action, mais aussi des types d'ennemis vaincus (les leaders, tanks et champions rapportant des bonus).
Il est aussi possible de changer la classe d'un personnage, soit en restant dans son domaine mais avec des attributs plus élevés, soit en embrassant une classe alternative plus difficile à maîtriser. Par exemple, un Scout peut devenir un Sniper, aussi puissant que fragile. Autrement, les Shocktroopers ont la possibilité de devenir des Gunners, assez puissants mais capables de toucher leurs alliés comme de manquer leurs ennemis du fait de leur large rayon d'action.
Vous gagnez également de l'argent et des matériaux au combat. Plus rarement, vous pouvez arracher des plans aux « champions », des adversaires bien plus costauds et retors que la normale. Ces ressources doivent être utilisées afin de développer de nouvelles armes et armures pour vos combattants, ainsi que des pièces pour le blindé.
- J'étais là le premier ! T'as pas le droit de me piquer ma place ! - Les limitations techniques de la PSP interdisaient la création de champs de batailles aussi vastes que ceux de l'opus PS3. Mais l'équipe de Sega a eu recours à une technique bien simple : chaque carte est divisée en plusieurs petites zones, reliées entre elles par des camps.
Pour éviter d'être en permanence submergé par de nouveaux assaillants ou encore de se faire voler un camp (surtout le principal) par un bête Scout, mieux vaut avancer en sécurité et donc pacifier chaque zone en prenant le contrôle des camps et en les laissant sous bonne garde jusqu'à pouvoir les délaisser. La progression, du coup, se fait un peu comme se déplace une chenille. Cet aspect donne une grande dimension tactique aux affrontements, car il faut doser l'offensive et la défensive en permanence si l'on espère gagner rapidement.
Le nombre d'environnements différents augmente au cours du jeu, généralement après chaque mission « Story ». Pour cette raison, la fin du mois d'avril est très pénible car on n'a que deux lieux disponibles, les terrains d'entraînement et la campagne... C'est maigre, et la succession de missions pour s'entraîner s'avère par conséquent extrêmement redondante. Ce défaut s'atténue néanmoins au fil des mois.
- Si tu pleures, je pleure ; si tu ris, je ris ; si tu meurs, tu me manqueras... - Il ne faut pas s'imaginer que Valkyria Chronicles 2 est un T-RPG composé exclusivement de combats. Si vous comptez vous satisfaire de cet aspect du soft, vous risquez de passer à côté de l'essentiel qu'il a à offrir et peut-être de vous en lasser. En effet, votre classe, la classe G, est composée quasi exclusivement d'éléments mal dans leur peau ou rejetés. En tant que délégué, Avan a pour rôle de comprendre ses camarades, de les découvrir et de les aider à se prendre en main.
Au terme de chaque mission, de petites cinématiques seront disponibles. Certaines n'ont d'autre but que de faire (sou)rire, d'autres vous en apprendront davantage au sujet de certains étudiants, surtout ceux qui ont bien servis dans vos précédents faits d'armes. Après trois ou quatre dialogues avec le même personnage, vous devrez remplir une mission qui lui est dédiée, et cela conclura son « arc ». Il s'agit d'un aspect non négligeable du jeu, qui rend moins amer la corvée du levelling intensif auquel nous sommes parfois contraints. En effet, il est moins difficile d'enchaîner les missions pour rien si on espère pouvoir débloquer un nouvel événement relié à un personnage. De plus, les missions associées à un personnage sont le plus souvent assez faciles et rapportent une grande quantité d'expérience.
Certes, il y a quelques similitudes, mais ces « quêtes annexes » ne sont pas tout à fait comparables aux Social Links de Persona. Bien plus courtes et dépourvues de QCM, elles ne modifieront pas profondément les attitudes de vos condisciples. Tout au plus, elles débloqueront certains potentiels positifs et favoriseront les attaques en binôme avec Avan et vous donneront une raison de renouveler régulièrement votre équipe.
- Survivre à la guerre pour mourir dans son lit, quelle ironie... - On a reproché à Valkyria Chronicles une difficulté parfois un peu trop élevée qui contraignait à développer une stratégie millimétrée pour décrocher la victoire. Si sa suite reste assez exigeante, il est tout de même possible de triompher à condition de faire preuve de concentration et d'obstination. Les missions centrales, à la fin de chaque mois, risquent par contre de vous faire grogner de rage, car elles s'avèrent parfois tendues comme des cordes de violon. La présence de « boss » fréquemment surpuissants y est pour beaucoup.
Même si vous avez une idée abstraite du terrain grâce à la carte, vous le découvrez en direct en prenant le contrôle de vos personnages. Cela va avec tous les aléas d'une vraie guerre : on voit les ennemis parfois trop tard et si on perd son sang-froid, on peut considérer qu'on est foutu.
Côté durée de vie, Valkyria Chronicles 2 représente un investissement très rentable, le scénario ne se terminant pas en moins de soixante heures. Elle peut même monter à quatre-vingt selon votre niveau de difficulté et votre façon de jouer. Pour varier les plaisirs, certaines missions peuvent être jouées ou rejouées en versus ou en coopération avec d'autres joueurs en réseau local. Les règles ne varient pas, mais l'expérience s'avère très différente et peut offrir des bonus intéressants.
Cependant, même en mode Débutant, dans lequel les dégâts infligés par l'ennemi sont réduits et ceux infligés par les alliés sont accrus, la réflexion restera de mise. On ne peut pas finir ce jeu rien qu'en fonçant tête baissée, il est nécessaire de savoir positionner ses troupes et de prendre le temps de bien viser, quoique la fin des réjouissances peut se finir par un énorme "je mets le paquet, l'essentiel c'est d'y arriver !".
Note attribuée : 17/20
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