Chrono Cross (Yasunori Mitsuda)


C'est la rentrée et nous vous proposons de découvrir une nouvelle rubrique sur RPG Soluce : l'OST du mois.
Le concept est simple : chaque mois nous vous proposerons de découvrir une OST de RPG ainsi que l'artiste qui l'a composé. Après une présentation du compositeur, vous pourrez retrouver une sélection d'extraits de son œuvre (une dizaine de morceaux choisis par l'équipe), une critique de la bande-son du mois et parfois d'autres avis (forcément subjectifs !).
Cette rubrique se veut bien évidemment vivante, et nous vous invitons donc à venir en discuter sur ce sujet du forum spécialement créé pour cette occasion. N'hésitez pas à donner votre avis et à nous solliciter pour que nous traitions d'un artiste en particulier.
Nous commençons aujourd'hui avec le célèbre Yasunori Mitsuda et l'OST de Chrono Cross. Bonne lecture et surtout bonne écoute !

Yasunori Mitsuda

Yasunori Mitsuda est né le 21 janvier 1972 à Tokuyama (Japon). Ce compositeur est connu quasi exclusivement pour son travail sur des OST de jeu vidéo et plus particulièrement sur des bandes-son de RPG. Après s'être formé en autodidacte (par manque de moyens), il est recruté par Squaresoft en 1992. Il débute en tant que programmeur sonore et va travailler sous la houlette de Kenji Ito, Nobuo Uematsu ou encore Hiroki Kikuta. On le retrouve crédité dans des titres tels que Final Fantasy V, Secret of Mana et Romancing SaGa 2. N'arrivant néanmoins pas à s'épanouir à ce poste, il va « demander » (menacer de démissionner) à Hironobu Sakaguchi (créateur de Final Fantasy et vice-président exécutif de Square à l'époque) qu'on lui confie plus de responsabilités. Il va alors travailler pendant près de deux ans sur la bande originale d'un certain... Chrono Trigger.
Ce travail est éprouvant pour Yasunori Mitsuda qui va contracter un ulcère de l'estomac pour cause de surmenage. Nobuo Uematsu (aidé de Noriko Matsueda pour une piste) sera d'ailleurs chargé de finir le travail, soit une dizaine de pistes (sur les 64 que comptera l'OST), pour venir remplacer Mitsuda.
Quoi qu'il en soit, le succès est au rendez-vous en 1995 pour Chrono Trigger et va assurer une renommée certaine à Mitsuda qui sera même qualifié de « Mozart du jeu vidéo ».
L'artiste va ensuite signer les OST de Radical Dreamers : Nusumenai Hoseki, Front Mission : Gun Hazard, ou encore Xenogears, avant de devenir freelance en 1998. Il s’illustrera alors rapidement avec la bande originale de Chrono Cross dont nous allons vous parler plus en détails ci-dessous.
Il a par la suite travaillé sur de nombreuses OST (parfois en collaboration avec d'autres artistes) telles que Xenosaga Episode I, Shadow Hearts I et II, Luminous Arc, Soma Bringer, Inazuma Eleven, Sands of Destruction, Xenoblade Chronicles (thème de fin uniquement), Soul Sacrifice et Stella Glow (liste non exhaustive).
Notons pour conclure que Square Enix et Yasunori Mitsuda vont éditer un album de sélections de musiques réorchestrées de Chrono Trigger et de Chrono Cross au Japon. Intitulé Harukanaru Toki no Kanata e, (« Far Beyond the Distant Time » [bien au-delà du temps éloigné]), il sera disponible le 14 octobre 2015 au Japon au prix de 3 000 Yens (hors taxes).
Ce disque est produit par Mitsuda lui-même et interprété par le groupe Millennial Fair (album arrangé de Xenogears, Creid) qui a travaillé en étroite collaboration avec ce dernier.

Découvrez onze morceaux composés par Yasunori Mitsuda, tirés d'autres OST
Critique de l'OST de Chrono Cross

Les bandes originales de Chrono Trigger et Chrono Cross sont des éléments majeurs, aussi bien de la discographie de Mitsuda que de la musique pour jeux vidéo dans son ensemble. Il est de plus impossible de parler de l’OST de Chrono Cross sans évoquer celle de Chrono Trigger, sorte de coup de génie, presque involontaire, en tout cas très spontané. Avec Chrono Cross, Yasunori Mitsuda propose une bande-son beaucoup plus réfléchie et pensée. Sans peut-être posséder la fraîcheur de Chrono Trigger, les compositions de Chrono Cross, réparties sur 3 CD, semblent plus construites autour d’un projet bien précis.

En effet, Mitsuda réutilise par exemple la fanfare de Chrono Trigger, un peu à la manière des fanfares dans d’autres séries, comme Dragon Quest ou Final Fantasy. Cela permet de dire au joueur que oui, il joue bien à une véritable saga. Mais pour Chrono Cross et surtout pour dépasser cette anecdote, Mitsuda a eu besoin de construire la bande-son autour de l’univers du jeu, afin de mieux le soutenir. Nous trouvons donc, par exemple, des thèmes de villes qui existent en plusieurs versions. Il faut en effet rappeler que dans le jeu, on visite ces lieux dans plusieurs dimensions parallèles. Ainsi on aura une version « Another » du village d’Arni, légèrement plus lente, avec un accompagnement différent et de subtils changements harmoniques.

Si on a pu qualifier Mitsuda de « Mozart du jeu vidéo », il ne faudrait pas prendre cette expression trop au pied de la lettre. La référence a cependant un fond de vérité, puisque le style de Mitsuda est assez classique, et qu’il partage avec le compositeur viennois une sorte d’amour pour la mélodie. Cela se traduit souvent chez Mitsuda par des compositions faisant la part belle au « chant », au sens large, car ce n’est pas forcément chanté : une simple mélodie accompagnée (on pourra donc écouter à cet effet la piste de Chrono Trigger, Depths of the Night). Pas non plus d’extravagances harmoniques chez Mitsuda, qui reste assez sage de ce point de vue-là. Un des plus parfaits exemples reste Ephemeral Feelings, d’une admirable beauté, où une clarinette vient s’ajouter dans la seconde partie. Mais on pourra retrouver cette même forme dans de nombreuses pistes de l’album : Reminiscence ~Undying Feelings~, On the Shores of a Dream: Another World, Lost Fragments, Fossil Valley, pour ne citer que les premières,mais aussi dans les musiques de villages. Mitsuda, qui excelle dans ce genre, sans jamais tomber dans une sorte de niaiserie un peu molle, utilise donc énormément ce procédé tout au long de l’OST. On remarquera que l’inoubliable Fragments of a Dream fait la part belle à cette mélodie, ici totalement épurée.

Mais une bande-son de RPG, ce n’est pas uniquement de belles mélodies, il faut aussi des musiques qui jouent plus sur l’« ambiance », dans le sens noble du terme. Ces musiques sont souvent utilisées pour illustrer des lieux comme les donjons, notamment. Et dans ce style, Mitsuda n’est pas forcément à son aise, en tout cas beaucoup moins que sur les pistes purement mélodiques, et il utilise assez peu ce procédé. Par exemple, Fort Dragonia paraît quelque peu décousue et brouillon, tandis que Isle of the Damned peine à se forger un caractère et semble trop quelconque. Cependant on peut citer quelques belles réussites, comme Shadow Forest ou encore Mount Pyre. Quand on écoute l’une de ces pistes, on se rend compte qu’il y a bien un « style » Mitsuda, incontestablement.

En revanche, on pourra être plus critique envers les thèmes de combat, passage obligatoire dans une OST de RPG. La première fois qu’un affrontement se déclenche dans Chrono Cross, un sentiment mêlé de surprise et de stupéfaction laisse le joueur relativement interdit par la musique qu’il entend (Gale). Assez mal fagoté, maladroit et pour tout dire assez laid, ce thème de combat laisse plus que perplexe. Ici, Mitsuda semble avoir plus de peine à dynamiser ses compositions et entraîner le joueur dans des scènes épiques. Cela est également le cas dans FATES ~God of Destiny~, dont on se demande bien ce qu’il fait au milieu d’une bande-son aussi réussie.

Heureusement pour lui, Mitsuda possède également un certain talent pour composer des morceaux qui n’appartiennent qu’à lui, et qui permettent d’illustrer des lieux et des moments bien particuliers dans l’histoire. On songera ici à Viper Manor, The Dead Sea - Tower of Geddon, ou encore le très spirituel Ghost Ship, qui installe juste le mystère nécessaire, avec une pointe d’humour.

Il ne faut pas oublier qu’entre la composition de l’OST de Chrono Trigger et celle de Chrono Cross, Mitsuda signe également l’une de ses œuvres maîtresses, à savoir la bande-son de Xenogears. Ensuite, il composera peut-être son œuvre la plus ambitieuse, même si elle reste plus méconnue : l’OST de Xenosaga, entièrement orchestrale, où Mitsuda développe des compositions plus complexes et sans doute plus intéressantes, mais aussi plus personnelles. Il ne renie pour autant pas son amour d’une certaine simplicité, ce qui se traduit notamment par l’utilisation de Green Sleeves, une musique populaire anonyme bien connue.

Mitsuda possède néanmoins une production relativement petite, car ensuite, sa carrière sera plus sporadique : il ne sera pas reconduit, par exemple, pour assurer la bande-son des autres épisodes de Xenosaga. Il se contente donc d’une inspiration nettement en dents de scie, avec des apparitions plus ou moins réussies (Legaia Duel Saga, saga Shadow Hearts), voire presque piteuses (Arc Rise Fantasia), où justement, on ne reconnaît plus tellement le bonhomme. A côté de cela, on trouve de belles réussites, souvent méconnues (Sailing to the World, de belles apparitions pour Luminous Arc ou plus récemment pour Soul Sacrifice, ou encore des participations à des albums arrangés : Creid, Dark Chronicle,…).

A ce titre, et pour donner un avis tout personnel, la bande-son de Chrono Cross, est souvent plus impressionnante par l’effet qu’elle produit que par son contenu. Bien que très réussie et par certains aspects assez exceptionnelle, elle me paraît légèrement surévaluée (peut-être à l’instar du jeu lui-même ?). On ne pourra donc pas se passer d’autres OST de Mitsuda, comme celles de Chrono Trigger, Xenogears et bien entendu Xenosaga.

Pour finir, voici une petite sélection de pistes de Chrono Cross à ne pas manquer (dans l’ordre des CD) :

Avis supplémentaires

Natahem :
Comme le dit bien la review, Mitsuda est plutôt doué pour les musiques d’ambiance et mélodiques. Il a su retranscrire en musique l’atmosphère magique de Chrono Cross, et ses compositions participent grandement au charme de ce jeu. En revanche les musiques des combats sont décevantes, voire effrayantes (je pense par exemple au combat contre FATES qui se fait sur un air de… ben je ne sais même pas comment décrire cette abomination). De mon point de vue, la seule vraiment réussie pour les affrontements est Terra Tower (aussi appelée Tower of Stars selon les traductions), qui me donne des frissons à chaque écoute. Mais c’est normal : il s’agit d’une musique purement d’ambiance, qui correspond donc au domaine de prédilection de Mitsuda. Mais voilà, affronter les 6 Dragons est l’un des passages les plus forts du jeu, et c’est surtout grâce à ce thème.
Bref, tout amateur d’OST de jeu devrait au moins posséder un exemplaire de celle de Chrono Cross !

Dracohelianth :
Ah, Chrono Cross ! Un jeu enchanteur et une OST magique ! Dès le début du jeu, j'ai été saisi par les compositions de Yasunori Mitsuda. Inoubliable. Elles s'appliquent parfaitement aux lieux et aux événements, et deviennent d'autant plus appréciables lorsqu'on les réécoute hors jeu. L'opening accompagné de la magnifique piste ~The Scars of Time~ (ou Time's Scar), donne pour sa part immédiatement envie de se lancer dans la partie (à moins de le laisser tourner en boucle quelques fois pour apprécier le spectacle). D'autant plus qu'il s'agissait du premier RPG que je suivais (je ne tenais pas la manette). Dès que j'en ai eu l'occasion, je me suis procuré l'OST de ce jeu. Et cet album a tourné de nombreuses fois !
D'ailleurs, ce n'est pas pour rien qu'il figure en haut de mon classement d'OST. Bien sûr, il y a une part de nostalgie qui lui fera conserver cette place très longtemps, ne serait-ce qu'à titre honorifique si je puis dire, mais la qualité des compositions me plaît énormément.
À titre personnel, je trouve que toutes les pistes ont leur place dans cette OST, et je l'écoute avec plaisir dans son intégralité, même si j'ai bien évidemment des préférences, la sélection ci-dessus en faisant assurément partie, tout comme Voyage: Another World & Home World, Fort Dragonia/Ancient Dragon's Fort, Isle of the Damned/Ghost's Island, Those Imprisoned by Fate/People Seized With Life, MAGICAL DREAMERS ~Wind, Stars, and Waves~ et plus simplement les pistes du disque n°3 (The Dream Time Dreams/Time of the Dreamwatch en tête) (liste non exhaustive).
Tout comme Natahem, je pense que tout amateur d’OST de jeux vidéo devrait au moins posséder un exemplaire de celle de Chrono Cross !
Pour finir, lors de la sélection de pistes issues d'autres OST composées par Yasunori Mitsuda, j'ai eu l'occasion de découvrir de nombreuses compositions que je ne connaissais pas, et qui sont globalement d'une grande qualité. J'ai particulièrement été surpris par la bande-son de Soul Sacrifice (qu'il a partiellement composé) qui comporte de très bonnes pistes orchestrales particulièrement épiques et magistrales, souvent dotées d'un accompagnement vocal superbe, et dont la structure et les compositions en elles-mêmes m'ont donné l'impression d'écouter une OST de film, ce qui est assez inhabituel dans le domaine du jeu vidéo (les deux genres étant relativement éloignés en terme de contenu musical) et peu commun chez Mitsuda, mais très agréable. Une découverte musicale que je conseille vivement !

Wolf :
Je ne connais pas grand-chose du travail de Mitsuda, mais c’est un compositeur dont j’avais énormément entendu parler avant de m’attaquer aux deux mastodontes de la PS1, Chrono Cross et Xenogears, sur lesquels il a travaillé. Si je n’ai retenu du second que l’excellente June Mermaid, la bande-son de Chrono Cross a, je pense, énormément joué dans la relation très particulière que j’ai nouée avec ce jeu.
Si j’ai traversé Chrono Trigger sans trop m’y attarder, j’ai rushé tant que je le pouvais Xenogears. En revanche, Chrono Cross fait partie de ces jeux que je n’avais pas envie de finir, parce que cela aurait signifié la fin de cette relation. Son univers, ses personnages, sa richesse et son univers trouvaient une telle concordance avec les musiques maritimes, oniriques et mélancoliques, que je souffrais de l’idée qu’un jour, cette épopée puisse se terminer. Dès les premières notes de On the Shore of a Dream : Another World, jusqu’aux ultimes accords de The Girl who stole the Stars, en passant par les élans épiques de The Dream Time Dreams, il n’en faut pas plus pour me perdre dans le monde ; Arni, Guldove, Termina me tendent grand les bras, et c’est sans regret que je m’y lance. Une grandiose prestation, et l’un des plus beaux exemples que le plus beau des mondes ne saurait vous happer sans une OST adéquate.

Vous pouvez écouter l'album gratuitement sur Spotify.

Rédigé par Chris17cp, Delldongo, Dracohelianth, Natahem et Wolf, le 1er septembre 2015

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