Le piano, instrument « roi »


Pour accompagner votre été en douceur, nous vous proposons pendant deux mois des articles légèrement différents pour notre rubrique mensuelle consacrée aux OST. En effet, nous nous pencherons sur les nombreux albums arrangés pour le piano. Cet instrument « roi », comme il a souvent été désigné, a très vite suscité l’intérêt à la fois des joueurs (qu’ils soient pianistes ou non), des compositeurs et des arrangeurs.

Cet article sera divisé en deux parties : l’une consacrée à la série Final Fantasy, car il s’agit du plus important catalogue de morceaux pour cet instrument, et l’autre, tout aussi importante qualitativement, qui concernera les autres RPG dont les OST sont passées par la case « piano ». On vous promet des choses surprenantes, et certains d’entre vous seront sans doute surpris de l’immense choix qui existe à ce niveau.

Final Fantasy Piano Collections IV à IX

Même s’ils ne sont pas, historiquement, les premiers albums arrangés pour les pianos puisqu’on trouve des albums consacrés à Dragon Quest dès 1990, les Piano Collections demeurent sans doute la première tentative pour véritablement amener les compositions sur un terrain pianistique. Les épisodes IV à IX de la saga Final Fantasy ont ceci en commun d’avoir un seul et même compositeur : Nobuo Uematsu. Il faut noter c’est également le cas des trois premiers épisodes, mais il ne seront traités que bien plus tard (et bien différemment).

On pourrait même regrouper les épisodes IV à VI dans un premier temps, arrangés par différents musiciens, et de manière quelque peu exotique à certains égards. Ainsi, l’album consacré à Final Fantasy IV (daté de 1992) possède une précieuse qualité : celle de la simplicité, ne serait-ce que dans The Prelude. Tout n’est par ailleurs pas de bon goût dans cet album, on peut penser par exemple à l’arrangement quasi anti-musical de Golbeza Clad in the Dark. L’année suivante, l’album consacré à Final Fantasy V nous plonge dans une atmosphère bien plus étrange, avec de vraies prises de risques, même si le langage musical reste malgré tout assez simple. Surtout, l’album paraît nettement plus varié, avec quelques pistes très humoristiques telle que Critter Tripper Fritter!? (avec des fausses notes indiquées sur la partition), tandis que d’autres nous amènent vers plus de confidences (My Home, Sweet Home). L’arrangement du thème de Battle with Gilgamesh est également savoureux, bien que l’interprétation reste un peu trop sage (une constante dans les enregistrements d’ailleurs, qu’on retrouve même jusqu’à aujourd’hui). L’année suivante, en 1996, sort Final Fantasy VI Piano Collections, un des albums les plus bizarres de la série, même s’il colle au plus près des musiques d’origine. Une étrangeté remplie de mystère dans Mystery Train, mais on retrouve également les magnifiques lignes mélodiques de l’OST dans Gau, ou encore Kids Run Through The City Corner. On pourra rester plus dubitatif sur certains choix de musiques, notamment Coin Song, qui semble un peu sans entrain, mais heureusement on retrouve Celes qui propose enfin des juxtapositions de rythmes intéressants.

Pour les albums suivants, c’est Shiro Hamaguchi qui réalisera les arrangements. Il est d’ailleurs amusant de noter que l’épisode VII sera arrangé bien après les autres. Il faut attendre donc l’année 2000 pour avoir droit à l’album consacré à Final Fantasy VIII. Et là, changement radical de conception de l’album, puisque Shiro Hamaguchi conçoit indéniablement l’ensemble comme un tout, et non comme une suite séparée de petite pièces qui pourraient se suffir à elles-mêmes. Le langage musical est également un peu plus recherché, de même que la technique pianistique un peu plus poussée, notamment dans certaines pièces. Néanmoins, l’album entier semble imprégné d’une sorte de calme et de contemplation mélancolique, à l’image de la première pièce Blue Fields. On appréciera également les harmonies subtiles de Fisherman’s Horizon et de Ami, qui entourent avec brio le sérieux de SUCCESSION OF WITCHES. Après une petite détente du côté de Shuffle or Boogie, on repart avec la mystique pièce Find Your Way. On trouve également dans cet album des petits joyaux méconnus, notamment The Oath d’une simplicité touchante, mais surtout Silence and Motion qui conjugue à la fois la beauté dans sa première partie, avec l’angoisse dans sa seconde partie. L’album se termine avec Ending Theme, un des premiers arrangements véritablement orchestraux que nous propose la série, mais comme s’il ne voulait pas vraiment se prendre au sérieux ou être trop clinquant, Shiro Hamaguchi propose Slide Show Part2 comme conclusion.

C’est en 2001 que sort l’album consacré à Final Fantasy IX, qui peut être considéré comme un des plus réussis de la saga (ceci étant également dû à l’interprétation très libre du pianiste, Louis Leerink). Ne serait-ce que par la toute première pièce, l’extraordinaire Eternal Harvest où le piano prend enfin toute son importance, et où on trouve enfin de la fantaisie et des moments presque improvisés. A côté, Daguerreo, the Hermit's Library paraîtra presque trop classique, tandis qu’on aura peut-être du mal à comprendre, à la première écoute, toutes les subtilités de The Place I'll Return to Someday. Comment ne pas être transporté par Vamo' alla flamenco, ou par les harmonies magiques de Dali, the Frontier Village ? Cet album est également le premier où on ressent réellement les influences « classiques » à la fois du compositeur (Nobuo Uematsu) et de l’arrangeur (Shiro Hamaguchi). Bran Bal, the Soulless Village fait ainsi indéniablement penser à Erik Satie (un compositeur français du début du XXème siècle), tandis que la plupart des pièces sont pensées comme romantiques (ou néo-romantiques pourrait-on dire), sans pour autant tomber dans la caricature : Two Unstealable Hearts ~ Behind the Door. On pourra également écouter les splendides dissonances cachées dans Unfulfilled Feelings, une pièce admirablement composée pour le piano. Quant à Final Battle, elle se tourne du côté de Prokofiev (un compositeur russe), avec son côté percussif, dissonant et fiévreux. Malheureusement, l’album se termine sur Melodies Of Life, une musique des plus mièvres, et malgré un arrangement qui tente beaucoup de choses, on a depuis longtemps franchi la limite du mauvais goût.

Deux ans plus tard, en 2003, sort enfin l’album Final Fantasy VII Piano Collections, qui s’ouvre sur deux pièces magiques : Tifa's Theme et surtout le fabuleux Final Fantasy VII Main Theme. Malgré cela, l’ensemble paraît légèrement en demi-teinte. Après un bel hommage au « Take Five » de Dave Brubeck avec Cinco de Chocobo, l’arrangement du thème de combat (Those Who Fight) paraît quelque peu quelconque. Cosmo Canyon est en revanche une des plus belles réussites de l’album, jouant beaucoup dans l’aigu du clavier (vous entendrez presque constamment des quartes à la main droite, lui conférant cet aspect étrange et éthéré). On trouvera également des morceaux plus enjoués, notamment avec les très spirituels Gold Saucer et Rufus' Welcoming Ceremony. L’album redevient sérieux, peut-être un peu trop, avec J-E-N-O-V-A, un peu trop « sec », et malgré quelques passages périlleux et d’autres splendides, One-Winged Angel ne convainc jamais vraiment, restant trop dans une démonstration technique ou virtuose sans grand intérêt. C’est également le cas de l’arrangement de Aerith's Theme qui ne parvient pas vraiment à capter toute l’émotion de la pièce. Heureusement, la dernière pièce, Descendant of Shinobi est à ranger dans les petits joyaux méconnus de ces albums, tout en délicatesse et humour.

Final Fantasy Piano Collections X à XV

A partir de l’épisode X, Nobuo Uematsu n’étant plus le seul compositeur de la série, disparaissant même petit à petit, les albums sont tous très différents et confiés à des musiciens ayant chacun leur propre style.

L’album consacré à l’épisode X sort en 2002, avant même celui de l’épisode VII. Il est arrangé par Masashi Hamauzu, également compositeur d’une grande part de l’OST. Là encore, on passe à un autre niveau, Masashi Hamauzu n’hésitant pas à prendre de très grandes libertés avec les musiques de base. Il reste cependant très sobre dans la première pièce, At Zanarkand afin d’en conserver toute sa nostalgie élégiaque. En revanche, c’est l’inverse dans Besaid Island, qui prend le contrepied de l’OST en apportant une grande fantaisie. C’est également avec beaucoup de science que Hamauzu compose l’arrangement de Song of Prayer, ainsi que Guadosalam, pièce sans véritable thème mais d’une beauté à couper le souffle. Path of Repentance magnifie la musique d’origine (à un point tel que cette version sera repris pour le remake du jeu sur PS3 et PS4), tandis que People of the Far North, éminemment poétique, fait ressortir des harmonies et des contrechants étonnant. Mais la plus belle pièce de l’album, c’est sans conteste Decisive Battle on se déploie tout l’éventail des possibilités pianistiques : notes piquées, liées, graves appuyées, chant à la main gauche, grands accords, trémolos et final endiablé. Quel voyage !

Peut-être est-ce un fait peu connu, mais Final Fantasy X-2 a également eu droit à son album : Piano Collection (sans le « s » à la fin, oui !) en 2004. Pour la première fois, on ne trouve pas Nobuo Uematsu ici, mais cela n’empêche pas d’y trouver de magnifiques joyaux, à commencer par l’émouvante première piste : Wind Crest ~The Three Trails~, composée dans l'inhabituelle tonalité de la bémol mineur. Malheureusement, l’album est non seulement très disparate, mais aussi très inégal (l’affreux arrangement de Eternity ~Memories of Light and Waves~ est là pour le prouver). Cela est aussi dû au fait que plusieurs arrangeurs ont été sollicités, et cela se ressent grandement. Néanmoins, il faut absolument faire ressortir de ce lot Demise, un morceau absolument magistral, très original et magique à bien des égards. Il fait partie du panthéon des pièces à écouter absolument dans ce corpus des albums pour piano.

Final Fantasy XI est lui le seul épisode a avoir eu droit à deux albums. Le premier à l’occasion de la sortie de l’OST « Premium Box » (2007) et le second comme un « vrai » Piano Collections (2008). C’est aussi les seuls albums à disposer d’arrangements pour 4 mains. On pourra y retenir quelques belles réussites, surtout dans le second, et notamment Ronfaure ou The Sanctuary of Zi'Tah.

Final Fantasy XII Piano Collections aura également connu une gestation difficile. Sorti uniquement en 2012, l’arrangement est pour la première fois l’oeuvre d’un musicien complètement indépendant, Casey Ormond. Cet album ne propose d’ailleurs que des arrangements de musiques composées par Hitoshi Sakimoto. Le style de l’ensemble est assez particulier, et, je dis cela tout personnellement, il m’a fallu beaucoup de temps pour vraiment apprécier chaque pièce. Elles sont cependant toute d’une grande imagination et très développées, sans pour autant jamais se répéter. Certaines musiques sont d’une grande poésie, comme Eruyt Village, tandis que d’autre frôle le contre-sens musical (To the Place of the Gods). C’est en tout cas un album qui gagne en intérêt à chaque écoute, bien qu’il soit très particulier.

Pour Final Fantasy XIII, retour à Masashi Hamauzu (et sa pianiste préférée Aki Kuroda). L’album en soi pourra paraître décevant, car tout simplement l’OST l’est également. On pourra cependant être sensible à Lightning's Theme ~ Blinded By Light, malgré son caractère un brin impersonnel, au contraire de March of the Dreadnoughts. Nautilus est peut-être un peu trop répétitive pour être réellement intéressante, là où Nascent Requiem et Fang's Theme seront nettement plus emballant. Reminiscence - Sulyya Springs Motif est également un excellente pièce, mais il reste malgré tout une sensation d’inachevé dans l’album.

A noter, que Final Fantasy XIII-2 et Lightning’s Return n’auront pas d’albums arrangés pour le piano.

Le second épisode online de la série, Final Fantasy XIV, aura droit à quelques pièces arrangées pour le piano (6 au total), comprises dans l’album From Astral to Umbral ~FINAL FANTASY XIV:BAND & PIANO Arrangement Album~ (2014). Il s’agit de compositions et d’arrangements signés Masayoshi Soken, d’un tempérament résolument rêveur et de pièces relativement développées, comme A New Hope.

L’album FINAL FANTASY XV: Moonlit Melodies est le plus récent (2017) et reprend bien entendu les compositions de Yoko Shimomura. On y retrouve également ce qui fait le charme des compositions, ainsi que les mêmes problèmes de « trop plein » de notes qui finissent par rendre les musiques un peu brouillonnes, sans parler de l’aspect démonstratif de certains passages.

Final Fantasy Piano Opera

Sortis entre 2012 et 2014, les trois albums Piano Opera consacrés aux Final Fantasy I à IX, ont une optique bien différente des Piano Collections. Si ces derniers sont destinés aux fans de la première heure et aux bons pianistes amateurs, les Piano Opera ont pour ambition de viser un public plus large, pas forcément connaisseur de la musique de jeux vidéo. Ils sont également bien plus relevés techniquement et réclament de la part du pianiste un bon niveau, notamment dans certaines pièces qui demandent une grande virtuosité. L'écriture y est également plus fouillée, plus précise ; en un mot comme en cent, plus pianistique.

L'auteur des arrangements, Hiroyuki Nakayama, s'était déjà illustré sur les deux albums piano consacrés à Kingdom Hearts. On le retrouve ici, sans doute plus à son aise, loin de singer certains compositeurs classiques, s'immisçant plus clairement dans les compositions limpides mais éternelles de Nobuo Uematsu. Cependant, on trouve chez Nakayama clairement des influences classiques.

C’est notamment le cas dans le premier livre (consacré aux trois premiers épisodes), et qui propose des compositions à la fois simples mais déjà très caractéristiques du style d’Uematsu. Le dépouillement des thèmes et des accompagnements crée une ambiance à la fois austère mais aussi vivante et parfois simplement de paix intérieure tout à fait remarquable. Les arrangements restent dans un ton un peu austère, presque implacable. La magnifique pièce Town Medley, qui se propose, comme son nom l'indique, de réunir les thèmes de villes des trois épisodes. Intelligemment, l'introduction utilise le dernier thème, et introduit donc ce premier thème de village, une des plus belles réussites du compositeur. The Rebel Army est une pièce des plus entraînantes. Assurément l'une des meilleures pistes de l'OST et de ce recueil, le thème est ici redonné avec une quantité de manières différentes, notamment un passage lent en mi bémol mineur, qui amène la reprise conclusive. On notera également l’excellent arrangement de Tower of the Magi, ainsi que The Boundless Ocean, d’une beauté stupéfiante, tout comme Crystal Cave avec ses harmonies étranges et nordiques. Mais on peut dire que le, dans ce premier livre, le style des arrangements, un peu froid, distant et d'une certaine manière implacable, correspond bien à l'ambiance des compositions originales.

Pour le second cahier, Nakayama doit faire face à des compositions plus travaillées et plus variées que pour les trois premiers épisodes. C'est notamment le cas des musiques de Final Fantasy IV et VI, celles du V conservant un aspect plus étrange et très particulier.

Rien de plus affreux que l'arrangement de la première pièce : Main Theme, abominablement bavard et prétentieux, cette version va à l'encontre de l'esprit original du morceau. On notera quand même quelques beaux passages, mais trop peu nombreux pour éviter au morceau de tomber dans le spectaculaire clinquant et sans intérêt. C'est tout le contraire qui se passe avec The Sorrow of Parting. Pourtant méconnue, cette pièce offre des passages extraordinaires, notamment dans la partie centrale, entièrement jouée dans l'extrême aigu du piano. Outre quelques réussites, notamment Troian Beauty, ce deuxième volume des Piano Opera est beaucoup plus inégal que le premier, même s’il sera en définitive beaucoup plus accessible au public, grâce à des arrangements moins froids et plus enjoués. Mais, peut-être que pour le puriste, en plus d'un choix des pièces parfois discutable, les arrangements de Nakayama collent souvent mal à l'esprit des pièces d'origine. Car à trop vouloir briller, certains morceaux deviennent un peu ridicules et manquent leur cible, quand ils ne sont pas carrément hors-sujet.

Enfin, le troisième livre propose des arrangements de Final Fantasy VII à IX. Après une très belle introduction avec Ami, Nakayama se perd complètement dans un délire virtuose et clinquant, non seulement sans intérêt, mais qui sclérose complètement les musiques au point qu’elles ne présentent plus qu’un intérêt quelconque. La prise de son très réverbérée de l’ensemble n’est pas non plus du meilleur goût, et cela cache mal les maladresses et la façon relativement froide d'interpréter ces musiques. On frise également le hors-sujet dans de nombreuses pistes : You’re Not Alone, Cosmo Canyon, Rose of May … Et quand l’arrangement est bon (Liberi Fatali), il se prend tellement au sérieux qu’on se demande s’il reste quelque chose d’humain dans tout ça. Même la poésie de Words Drowned by Fireworks peine à ressortir, tandis que l’énergie de Festival of the Hunt, assez réussie, reste malgré tout un peu trop artificielle. Le tout manque tout simplement de simplicité, et devient quelque peu indigeste à la longue (Bombing Mission en est l’exemple presque parfait).

Rédigé par Delldongo le 12 juillet 2017

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