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Shin Megami Tensei IV : Final

Fiche complète de ce jeu

En 2012, Shin Megami Tensei IV (qui est, comme son nom ne l'indique pas, le sixième épisode de la branche principale) voulut reconquérir une part de plus en plus mince des joueurs d'Atlus, ceux qu'on appelle affectueusement les « mainfags ». Si l'on pouvait aligner nombre de reproches à ce dernier-né, notamment une ergonomie à revoir et un univers trop peu exploité, il restait un titre de qualité et une très bonne introduction à la série au sens large. Atlus se trouvait donc en bonne position pour profiter de cette ouverture afin d'initier davantage les joueurs peu expérimentés aux vertus de la branche principale, pour les guider à petits pas vers des jeux austères mais passionnants tels Lucifer's Call ou Digital Devil Saga.

Mais ça... Ce serait dans un monde parfait. Dans notre morne réalité, il en a été tout autrement.

La guerre... Quel meilleur mot pour rimer avec enfer...

Le jeu démarre pendant la « Neutral Ending » de Shin Megami Tensei IV. Flynn, ancien Samurai, a déclaré la guerre aux démons de Lucifer (le Chaos) et aux anges de Merkabah (l'Ordre) afin de remettre le destin dans les mains de l'humanité. Mais le joueur, ici, n'incarnera pas cette figure connue. Il joue le rôle de Nanashi, jeune Chasseur en fin de formation, accompagné par son amie d'enfance Asahi. Tué par le démon Adramelech au cours d'une mission de routine, Nanashi fera face à Dagda, un dieu créateur. Ce dernier lui propose un pacte simple : il lui rendra la vie s'il accepte de devenir son homme à tout faire, son « Godslayer ». Ainsi démarre pour Nanashi une nouvelle vie, guidée aussi bien par la croisade de l'humanité contre les forces éthérées, que par la volonté de son nouveau maître. Une situation qui prendra une toute autre ampleur avec l'arrivée d'une quatrième force, les Divine Powers, nourrissant de bien sombres desseins...

Si l'idée de se replonger dans l'univers dur de SMT IV est alléchante en soi, force est d'admettre qu'on peut résumer Apocalypse en un fait bien simple : avec toute la bonne volonté du monde, il prend à contre-pied l'approche du jeu d'origine, mais aussi de la série en général.

Là où nous devions reconstituer tels des détectives l'intrigue des autres opus canoniques, Apocalypse vous sert tout ce que vous avez à savoir sur un plateau. Certes, il reste très utile d'avoir joué à Shin Megami Tensei IV avant d'entamer Apocalypse, mais ce n'est pas indispensable : en plus de ses dialogues délayés à outrance, le jeu dispose d'une encyclopédie interne. Remplie au fil de l'histoire, elle vous renseignera sur les notions et événements du jeu précédent, ainsi que sur des sujets plus génériques de la branche principale.

Là où nous avions dû trancher des questions sans bonne réponse, Apocalypse fait de vous un leader constamment glorifié par une équipe de faire-valoirs. Entraîné dans une quête qui nous dépasse, nous suivons les aventures d'un héros typique de RPG : d'abord poussin tombé du nid, notre héros famélique et antipathique deviendra de plus en plus baroudeur jusqu'à incarner la figure quasi-divine de l'équipe, laquelle est bien clichée et de moins en moins utile (mentions spéciales pour Asahi et Navarre). Vos compagnons ne font que rabâcher les vertus de l’amitié et la confiance, contrebalancées par Dagda et ses élucubrations tout aussi originales comme “solitude is freedom”. Sur le chemin, vous apprendrez avec stupeur qu’être méchant, brûler et tuer pour le plaisir, ce n’est pas gentil, c'est même vraiment très vilain ; apparemment, naître et grandir dans un monde envahi de démons ne suffit pas à le comprendre… Et rassurez-vous, le camp d'en face ne se porte guère mieux : si la palme revient bien aux Divine Powers, de purs méchants très méchants, on ne peut pas dire non plus que les forces de Lucifer et Merkabah brillent par leur complexité. Les causes de l'Ordre et du Chaos, pierres angulaires de SMT, n'ont pas été aussi sous-développées depuis Strange Journey et aucune nouvelle voie ne parvient à se dégager de cette épopée moralisante.

Là où nous avions dû déambuler dans une ambiance onirique pour trouver la marche à suivre, Apocalypse nous entrave longtemps dans notre progression en nous rappelant constamment où aller et que faire, de la façon la plus pragmatique possible. Le jeu est tellement soucieux de ne pas perdre le joueur en cours de route qu'il découpe carrément l'histoire en chapitres strictement séquencés à un certain point (dans une référence plus qu'évidente à un autre jeu que je ne nommerai pas).

Depuis ses débuts en 1990, Megami Tensei est une œuvre qui présente froidement des faits graves dans des univers durs, mais qui ne juge pas. Elle n'a pas de méchants à livrer au billot ni de héros à porter au panthéon. Dans ces jeux misanthropes et amoraux, nous sommes « par-delà bien et mal » pour nous demander ce qui est nécessaire, non pas pour sauver le monde, mais pour le remettre sur de bons rails. Les PNJ ne sont pas censés nous indiquer la bonne route, mais nous rappeler que, quelle que soit notre décision, un autre en aurait pris une autre. Or, sorti de quelques phrases perdues dans cette confiture de bons sentiments, le contenu d'Apocalypse le plus digne de la licence se trouve dans ce qui est, sans ambiguïté la moindre, la Bad Ending !

Toutefois, cette approche est celle qu'un connaisseur de la série, avec presque 30 jeux à son actif, peut attendre d’un jeu qui en porte le nom. Pris en lui-même, comme un RPG lambda ou un énième spin-off de Persona 4, Apocalypse se situe plutôt dans la moyenne haute : son rythme est bon, son univers est riche et correctement exploité, ses personnages ne sont pas moins clichés que ceux d'un Tales of (ou des Persona post-2006) et ses thématiques relèvent elles aussi de tropes bien connus des fans de J-RPG, comme le pouvoir de l'amitié et la victoire du Bien contre le Mal. Dans un bassin d'ironie glaçante, Atlus dénonce que la branche principale de SMT appartient à un passé révolu auquel le public ne parvient plus à accrocher, drogué qu'il est à des schémas bien plus accessibles, manichéens et sentimentaux. Ironique, oui, si l’on considère que l’un des points qui a aidé SMT à démarrer, c’est bien de s’être démarqué du cahier des charges du grand public...

Oldies, but goodies : quand la technique fait du surplace

S'il est un domaine où la série s'avère toujours aussi dure à juger, c'est bien le visuel. Concernant le recyclage intensif de Shin Megami Tensei IV, il n’a rien d’étonnant, puisqu'on en reprend le même univers. C'est toutefois plus gênant de penser que quatre ans séparent ces deux jeux, mais l'écart de qualité ne le laisse pas penser. Difficile, certes, de cracher sur certains ajouts vraiment bien faits comme l'ambiance de Kanda-no-yashiro ou le confort du quartier de Kinshicho, ou les nouveaux designs moins génériques et plus colorés (avec quelques contradictions à noter comme Odin et Lucifer) mais les anciens se sentiront quand même en terrain bien trop connu dans l'ensemble. En outre, il y a des reproches à faire sur les équipements de notre héros, surtout vu le rôle ultra-valorisé qu'on lui donne. Si Flynn s'équipait dans les surplus de l'armée, Nanashi fait les poubelles d'une convention cosplay, avec des tenues aussi guerrières et viriles qu'un uniforme de matelot, une combinaison nucléaire ou un accoutrement de punk anglais, plus quelques tenues « rétrécies au lavage » du jeu précédent. Déjà peu crédible et mal coiffé, notre héros en devient parfois franchement ridicule. Les cut-scenes gardent le principe des images fixes et peu détaillés, plus les artworks avec des effets de « plans » et des scènes de combat sacrément cheap. Bref, tout en restant regardable et cohérent, surtout dans ses quartiers en 3D remarquablement immersive, le visuel est loin de pousser la console dans ses derniers retranchements, alors qu'on approche pourtant de sa fin de vie. Suivez mon regard ?...

Côté musiques, inutile de préciser qu'on voit là aussi un très gros recyclage de l'OST de SMT IV. Elle reste cependant toujours aussi adaptée à l'univers du jeu, et l'absence de retouches nous évite un nouveau King Abaddon qui massacrait violemment son propre thème. Mais, cela va de soi, nous pouvons aussi compter sur des nouvelles pistes, qui témoignent toujours du talent de l'équipe de Kenichi Tsuchiya. Certaines musiques, comme le nouveau thème de combat ou l'introduction, transpirent l'amour de Shin Megami Tensei par des sonorités sorties tout droit des divers opus principaux. Sans se démarquer par une « qualité pure » qui nous donnerait envie de l'écouter hors du jeu, aucune autre bande-son ne saurait rendre honneur au titre à ce point. L'important n'est pas que Tsuchiya ait fait de la très bonne musique qu'on aurait attribuée à SMT IV Apocalypse après coup. L'important, c'est qu'il en a bien compris les enjeux, les tenants et les aboutissants, afin de lui offrir la bande-son idéale pour sublimer son contenu. Signalons également un voice acting quasi-intégral qui part d'un bon sentiment et s’avère bien exécuté, mais qui peut nous faire sortir de l'aventure. Les voice actors choisis sont, bien entendu, des habitués des productions Atlus, et compte tenu des ressemblances déjà flagrantes dans l’écriture entre certains personnages, il suffit d'y rajouter le doublage pour procéder à une véritable surimpression mentale (comme Toki et Aigis par exemple).

Partir du bon pour aboutir à l'excellence, n'est-ce pas le but ultime d'une suite ?

Abordons maintenant le seul domaine qui ait vraiment motivé votre serviteur jusqu'à la fin : le gameplay. Pour rappel, celui de SMT IV pouvait se présenter comme un « Nocturne sans sucre ajouté » avec la stratégie du Press Turn, du recrutement et de la fusion, mais sans débauche de pouvoirs passifs à configurer et avec bien moins d’aléatoire à gérer. Apocalypse ne se contente pas d'y apporter quelques retouches, non, il approfondit sérieusement l'expérience par des ajouts bien pensés comme le « rang » d'un sort ou encore une gestion bien plus fiable de vos alliés. Sur ce plan, Apocalypse reproduit bien la prouesse du précité King Abaddon.

Mais avant de parler des combats eux-mêmes, rappelons que le précédent jeu souffrait aussi de grosses lacunes dans l'exploration d'un Tokyo plus vrai que nature. Après tout, outre le scénario de base, le jeu comprenait une grande quantité de quêtes annexes, les Challenge Quests, qui nous envoyaient aux quatre coins de la ville pour arpenter des Domaines ou collecter des objets rares. Or, quand on n'a jamais mis un pied dans cette ville, comment savoir où se trouve Tennosu ou Kanda par rapport à Ueno ou Shibuya ?! Pour nous épargner de telles errances, le jeu indique dorénavant votre destination sur la carte et les indications des Challenge Quests sont beaucoup moins vagues. Voyager à travers la ville est un vrai régal, une fois toutes les barrières et les points de passages tombés, tellement on se sent en terrain connu et conquis.

Les combats, toujours non-aléatoires, comptent parmi les plus agréables de la série. Vous pouvez gagner des tours d'action en exploitant les Faiblesses de vos adversaires (le fameux système Press Turn), mais l'inverse est aussi vrai, d'où l'intérêt de ne pas cumuler la même Faiblesse ou d'en avoir le moins possible. Cependant, ce n'est pas le seul point d'attention à avoir en tête. Dans SMT IV, Flynn pouvait acquérir plusieurs fois un même skill, le rendant chaque fois plus efficace et moins coûteux. Désormais, cela concerne et personnalise tous vos démons. Si on aura évidemment un bonus en glace pour Jack Frost ou en soins pour Pixie, Shikome aura un bonus en altérations d'état et un malus en magies offensives, Oni ne jure que par le physique, etc. Bien que le principe ne soit pas sans failles, rendant certains démons peu pratiques ou enfermés dans un « rôle » bien défini, il optimise grandement vos assauts pourvu que vous ayez bien conçu votre équipe pour multiplier les sorts amplifiés et, à plus haut niveau, exploiter les différents boucliers, boosts et buffs/debuffs.

Mais Apocalypse ne fait pas qu'accentuer les atouts de SMT IV, il en gomme aussi les défauts. Gros avantage dans les deux sens de SMT IV, le « Smirk » acquis en exploitant une Faiblesse ou un coup critique devient une mécanique parfaitement intégrée au gameplay. Désormais, cet état ne vous rend plus intouchable et génère moins de puissance supplémentaire. Il accorde par contre des effets bonus à certaines attaques, comme Mudo et Hama qui ne peuvent instakill qu'en étant en Smirk. Comme autre révision majeure, le système d'alliés, une sacrée purge, choisissait au hasard qui venait vous épauler et de quelle façon. Cela générait quelques beaux moments de solitude devant leurs décisions illogiques. Ici, le joueur décide quel personnage l'accompagne, chacun étant très différent des autres et donc, plus ou moins adapté à telle situation ou tel style de jeu. Même si leurs actions sont encore soumises à l'IA et que certains alliés acquis sur le tard en rendent d'autres obsolètes, on se sent largement plus épaulé par un allié que gêné par un boulet.

Cependant, pour achever le parallèle avec King Abaddon, cette amélioration massive du gameplay se fait au détriment du challenge. Même s'il nous épargne la difficulté en montagnes russes et qu'il garde quelques coups de sang, Apocalypse s'avère facile, vraiment trop facile,surtoutpour un joueur qui se sera déjà fait les griffes dans les méandres de Naraku ou les Challenge Quests les plus corsées de SMT IV. On peut aisément enchaîner les attaques boostées en tout genre avant même que nos opposants n’aient pu réagir, même si cela implique une gestion des MP parfois épineuse. Les vétérans peuvent donc envisager la difficulté War dès le départ.

Une poignée d'heures est-elle si importante quand l'humanité existe depuis trois millions d'années ?

Shin Megami Tensei IV Apocalypse a une durée de vie à deux paliers : vers 30 ou 40h de jeu, vous aurez accès à deux fins préliminaires qui ne résolvent pas grand-chose et ne font que reprendre celles de SMT IV. Ensuite, vous pouvez tenter les deux fins « officielles » de cette suite, Peace et Anarchy. Quel que soit votre choix, vous verrez probablement le compte-heures afficher 50 voire 60h une fois arrivé à ce point, surtout si vous avez passé du temps sur les Challenge Quests en tout genre ! Un long moment consacré à des combats dantesques jouissant d'un excellent gameplay, à explorer un univers immersif et à profiter d'une ambiance bien posée... et qui vous promet encore plus de contenus si vous décidez de relancer la cartouche pour tenter les autres fins, ou encore des Challenge Quests que vous n'auriez pas tenté à votre premier essai (hypothèse cependant peu probable, vu que le niveau max et une maîtrise totale du gameplay sont fortement recommandés pour battre le boss final...).

Le jeu comporte aussi divers DLC, d'une utilité et d'un prix variable, mais généralement consacrés au fan-service. Si le terme est souvent péjoratif et connoté cochon, ce qu'il démontre d'ailleurs avec la « sortie à la plage » où seule l'équipe en maillot de bain vous motivera à mettre la main au porte-monnaie (suivez encore mon regard), il existe aussi du fan-service chaste et bienveillant, comme celui qu'on observe avec la grande bataille des héros de la branche principale contre celui qui a tout initié. Une croisade qui fera probablement vibrer une certaine corde sensible de l'âme des fans irréductibles, ceux qui ont passé nombre d'heures à essorer ces jeux ancestraux, si durs et ambitieux mais peu accessibles. Vraiment, quel comble d'ironie que de voir un tel hommage rendu dans un jeu qui manifeste si peu de respect à ces mêmes jeux… si on oublie toutefois la Bad Ending mentionnée en début de texte. Celle-ci représente l’apothéose d’une série qui commençait à s’essouffler mais qui, grâce à cet épilogue, pousse son chant du cygne, un peu faux et forcé par endroits, mais bien assez émouvant pour pouvoir affirmer que cette symphonie longue de 26 ans a enfin atteint sa note Final.

Mettre une seule note à Shin Megami Tensei IV Apocalypse, c'est un exercice ardu. D’un côté, difficile de nier que ce jeu peut en découdre avec tous les RPG sortis sur 3DS, de Tales of the Abyss à Bravely Default en passant par Pokémon XY. A bien des titres, c'est un véritable must-have de la 3DS, bien réalisé et doté d’un gameplay à l’épreuve des balles, un titre qu'on aimerait vraiment porter aux nues en lui mettant un 17/20 mérité, et moins on connaît la licence, plus ses qualités seront enjôlantes. Mais d’un autre côté, difficile de nier que, pour un fan confirmé, ce RPG bien trop conventionnel désavoue tout ce qui a fait le succès de Shin Megami Tensei depuis sa création, comme ses façons d’impliquer ou de bousculer le joueur de bien des façons.

Après SMT IV, on pouvait appeler les concepteurs à casser les ciseaux et changer des schémas sclérosés, c’est désormais chose faite. Mais le résultat ne plaira pas à tout le monde... Certains seront même enclins à le noter 5/20, pour avoir souillé à ce point la série dont il porte le nom ; un bon gameplay n’excuse pas tout.

Par conséquent, la note ici donnée n'est pas à prendre en elle-même : elle n'est qu'une moyenne entre ces deux extrêmes, entre le jeu « en lui-même » et le jeu en tant que SMT. Comme pour boucler la boucle, c’est aussi la note que j’avais sincèrement donnée au premier SMT sur SNES, qui fut ma première review sur RPG Soluce...

Note attribuée : 11/20

Rédigé par Wolf le 20/06/2017

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