Blackguards | |||||
Blackguards, c'est avant tout l'Œil Noir, jeu de rôle allemand dont la première édition remonte à 1984. Bien que très semblable à ses homologues médiévaux fantastiques au premier abord (comme Donjons & Dragons), l'univers du jeu se veut plus réaliste et plus approfondi, notamment dans la description des mœurs, des religions et des sociétés qui composent ce monde. Il privilégie aussi le réalisme des actions plutôt que l'héroïsme, ce qui est très intéressant pour un jeu de table mais qui, dans le cas d'un jeu vidéo, peut rapidement devenir une plaie dans le pied (pour rester poli). Un livre interactif Le jeu débute par une mystérieuse vidéo dont on ne comprend pas grand chose, puis la découverte du cadavre de votre amie, une certaine princesse dont vous aviez la garde, et puis un combat. Cette première bataille a pour but de vous familiariser rapidement avec le système tactique au tour par tour du jeu. Bien que ce combat ne soit pas difficile, il se termine en drame, par une accusation de meurtre (dont vous n'êtes pas trop certain d'y être impliqué ou non) qui vous envoie directement en prison. C'est un peu brutal comme introduction, mais cela donne tout de suite un aperçu de l'univers impitoyable que vous allez être amenés à explorer... Vous voilà donc au fin fond d'un cachot humide, attendant votre exécution. Mais heureusement, un nain - au passé un peu louche - qui passait par là vous porte secours. Voilà votre premier compagnon d'aventure. Très vite, un magicien aux vilaines tendances de Don Juan se joindra à vous, lui aussi enfermé pour des raisons obscures (mais pas forcément injustifiées...). Et plus tard, ce sera au tour d'une elfe droguée (mais heureusement elle sait aussi manier un arc) et d'une sorte de guerrier maori de compléter vos rangs. En dehors de votre propre personnage, vous n'aurez donc aucune liberté pour constituer votre équipe. Justement, venons-en au déroulement de l'aventure. Autant le dire tout de suite : il est purement et simplement linéaire. Il n'y a aucun concept d'exploration ou de liberté. Vous devrez vous contenter de suivre les scènes les unes après les autres, à l'exception près de quelques quêtes secondaires qui consisteront généralement en un ou plusieurs combats en parallèle de l'aventure principale. Les déplacements sur la carte du monde se résument à cliquer sur les lieux accessibles pour s'y rendre. Le rythme n'est pas terrible, dans le sens où la mise en scène est plate et ne dégage (généralement) pas beaucoup d'émotion. Néanmoins, il faut plutôt aborder le jeu comme un livre, dont on tourne les pages peu à peu pour en découvrir la profondeur, et qui nous laisse parfois interagir par l'intermédiaire de combats ou de dialogues à choix multiples. En résumé : Une évolution des personnages riche mais complexe Comme déjà évoqué précédemment, vous ne pourrez réellement créer qu'un seul personnage de votre équipe. En revanche, une fois votre groupe formé, vous pourrez faire évoluer chaque combattant comme vous le souhaitez. Commençons par la création de votre avatar. Au niveau physique, le choix sera assez limité, mais suffisant pour fournir un personnage à votre goût. C'est plutôt au niveau des aptitudes que cela devient intéressant. Le système est assez complexe, et propose pour les néophytes une répartition automatique des points de compétences. Si vous n'êtes pas habitué aux règles de l'Œil Noir, cette option est sans doute la plus prudente. Car un personnage raté peut se révéler totalement inefficace en combat, et vous amener à un abandon précoce du jeu... Pour les autres, le mode "expert" vous donne le contrôle total de la répartition des points. - Attributs : il y a 8 attributs en tout (Courage, Intelligence, Intuition, Charisme, Dextérité, Agilité, Constitution et Force), influençant chacun une ou plusieurs statistiques de base du héros (sa vitalité, sa capacité à se battre, sa résistance à la magie...). De même, les Attributs auront un impact sur les capacités de combat ou les sorts. Il est également possible d'augmenter directement 3 statistiques principales : Vitalité, Énergie Astrale (l'équivalent des MP), et Résistance à la Magie. - Maniement des armes : chaque type d'arme doit être appris pour avoir une chance d'être manié. Il y a 11 catégories, allant de la dague à l'arc, en passant par l'épée, la hache, l’arbalète et une multitude d'autres. Votre niveau de maniement influencera surtout le taux de réussite des attaques, les dégâts étant eux définis par l'arme utilisée (et parfois aussi par vos Attributs de base). Une caractéristique du jeu est aussi de devoir définir, pour chaque type d'arme, un balancement entre Parade ou Attaque. Ainsi, pour un niveau 10 dans une arme, vous pouvez choisir d'équilibrer son efficacité entre parade et attaque (5/5), ou au contraire de privilégier l'attaque (2/8 par exemple), et inversement. Cet aspect vous permettra de peaufiner vos tactiques de combat, et il peut être changé n'importe quand à travers le menu principal, sans consommer de PA. - Compétences spéciales : elles confèrent divers avantages directs ou indirects pour le combat, les sorts... Au départ, vous pouvez choisir n'importe lesquelles, moyennant des PA bien entendu, et à condition d'avoir le niveau nécessaire dans certains Attributs. Plus tard dans le jeu, il vous faudra trouver des Instructeurs pour débloquer de nouvelles compétences spéciales. - Aptitudes : ces 9 capacités viennent enrichir les possibilités de gameplay, en conférant à chaque personnage certaines capacités, comme le Soin des blessures, la Détection des pièges, ou la Connaissance de la Faune. Ces aptitudes évoluent par palier. Le premier palier correspond au niveau 0 (c'est-à-dire lorsque vous activez la compétence), et les paliers suivants sont aux niveaux 8, 13 et 18. Lorsqu'une aptitude est activée pour plusieurs paliers, vous pourrez choisir à quel niveau vous voulez l'utiliser (ainsi, vous pouvez choisir d'utiliser le Soin des blessures au niveau 1 uniquement, si la cible n'est pas trop blessée, ou au contraire au niveau 3 en cas de grosses blessures, à condition d'avoir atteint ce niveau évidemment...). Évidemment, plus une compétence a un niveau élevé, plus elle a des chances de réussir. Inversement, plus vous utiliserez une compétence à un niveau (palier) élevé, plus son taux de succès sera faible. - Sorts : il existe 24 sorts au total, avec des effets et affinités très variés. Ils évoluent de la même façon que les Aptitudes, c'est-à-dire par paliers. Il faut aussi noter que chaque sort dépend de 3 Attributs, qui moduleront la puissance de ses effets et son taux de réussite. Les dépendances étant très différentes entre chaque sort, il vous faudra regarder en détail chaque sort que vous voulez maîtriser, et essayer de trouver des combinaisons intelligentes pour limiter le nombre d'Attributs à augmenter. Cet aspect un peu complexe enrichit la personnalisation, mais reste difficile à maîtriser pour les débutants. Une fois votre avatar créé, il évoluera (ainsi que vos autres compagnons) comme vous le voudrez, en dépensant les PA durement gagnés lors des combats. Il n'y a aucune restriction pour faire évoluer vos compétences et attributs, exceptés les nouvelles Compétences Spéciales qui nécessitent des Instructeurs pour être débloquées, et les sorts qui sont réservés aux Mages. En résumé : La gestion des objets et de l'équipement L'inventaire est agencé de façon très simple : chaque personnage possède des emplacements pour s'équiper de différentes pièces d'armures, armes et objets, et tout le reste est regroupé dans un inventaire commun (avec une option de tri pour isoler les objets communs, les armes ou les armures). Il suffit de faire glisser les objets de l'inventaire global vers un personnage pour s'en équiper ou l'enlever. Il n'y a pas de limitation au nombre total d'objets que l'équipe peut transporter. Néanmoins, il y a une limite d'encombrement, définie par le total de la Force de chaque membre du groupe. Ainsi, vous ne pourrez pas garder trop d'objets lourds ou encombrants, et il vous faudra souvent les abandonner sur place (ou aller les revendre en ville), faute de quoi votre équipe souffrira de pénalités de combat. Pour équiper vos personnages, vous pourrez combiner n'importe quelles pièces d'équipement (qui seront matérialisées visuellement, à l'exception des bijoux et autres petits objets). Les armures confèrent évidemment des bonus de défense, mais aussi des pénalités de mouvement, notamment les armures lourdes. De plus, tout équipement étiqueté « métallique » réduira fortement l'efficacité des sorts. Vos mages devront donc se contenter des traditionnelles vêtements en tissus ou armures en cuir. Un bonus sera accordé si votre personnage est équipé par une « armure complète », c'est-à-dire toutes les parties d'une même armure. Ce bonus consiste généralement à améliorer un peu la défense, et réduire les pénalités de mouvement. Les armes possèdent 3 paires d'emplacements. En réalité, votre personnage ne sera équipé que d'une paire à la fois (arme à une main + bouclier, ou arme à deux mains...), mais il pourra intervertir directement avec une autre paire d'armes prédéfinie lors d'un combat. Cela dit, il vous faudra perdre un tour d'action pour ça, ce qui est généralement assez gênant. Les objets, tels que les potions ou les pièges, doivent eux-aussi être équipés pour pouvoir être utilisés en combat. Il faudra les placer dans des emplacements de ceinture (à condition de porter une ceinture bien sûr). Durant un combat, vous n'aurez plus accès à l'inventaire pour changer votre équipement ou vos objets. Il faudra donc toujours réfléchir en amont, pour bien préparer votre équipe. Notons enfin que les objets, et notamment les potions de soin, sont toujours en nombre limité chez les marchands. Oubliez donc les 99 potions dans l'inventaire comme dans certains jeux. Ici il vous faudra gérer des ressources parfois très limitées pour survivre... En résumé : Le T-RPG qui va vous faire perdre des cheveux Passons maintenant à l'aspect principal du jeu : les combats, qui constituent 95% de la durée de vie.
Et autant commencer par le sujet qui fâche : le taux d'échec – pitoyable – des actions. Que ce soient les sorts ou les attaques physiques, vos personnages débuteront avec des scores de réussite relativement faibles, ce qui aura pour conséquence de rater à peu près une action sur deux. Et même en faisant progresser leurs capacités pour obtenir des pourcentages de réussite supérieurs à 80%, vous aurez encore l'impression de rater la moitié des tentatives. Passons maintenant aux autres aspects des combats. Chaque bataille prend place sur un damier aux cases hexagonales (les déplacements se font donc selon 6 directions), sur des maps plus ou moins grandes. Les lieux permettent certaines interactions, que l'on peut surligner en appuyant sur une touche (briser des caisses, ouvrir des coffres, activer des interrupteurs...). Il sont aussi parfois parsemés de pièges ou autres éléments spécifiques au lieu (comme par exemple des trous dans les marais, des ruches d'abeilles dans les arbres, des stalactites qui tombent du plafond d'une grotte...) qui viendront interférer en bien ou en mal avec le combat. Certains éléments se déclencheront si un personnage passe à portée, et d'autres devront être activés (comme des marais qui s'enflamment au contact du feu). Savoir utiliser les éléments du décor à son avantage est l'une des clés du succès. Car il est inutile de vous le cacher : les combats sont parfois difficiles (surtout au début), et peuvent vite tourner au désastre. Le côté tactique du jeu a donc une place primordiale, et ça tombe bien puisqu'il s'agit d'un T-RPG ! Les combats sont divisés en tours, durant lesquels chaque personnage (allié ou ennemi) peut effectuer des déplacements et une action. L'ordre des actions (matérialisé par une barre d'initiative en bas de l'écran) est déterminé par la vitesse de chacun, mais aussi par les actions des tours précédents, et évidemment les conditions des personnages. Un point intéressant aussi, est de pouvoir retarder le tour d'action de vos combattants. Vous pouvez par exemple commencer un déplacement, et puis choisir de "mettre en pause" ce personnage (en appuyant sur la barre d'espace), qui finira son déplacement et éventuellement son action après tout le monde. Cet avantage stratégique permet par exemple de laisser les ennemis approcher avant de les attaquer. Il est également possible de terminer le tour d'un personnage sans effectuer d'action, en appuyant simplement sur la touche Entrée. Les déplacements peuvent se faire sur 2 distances : la première, matérialisée par des carreaux bleus, est assez réduite mais permet d'enchaîner avec une action (attaque, sort, utilisation d'objet...) ; la seconde, matérialisée par des carreaux blancs, s'étend bien au-delà de la zone bleue, mais ne permet pas d'enchaîner avec une action durant le même tour (votre personnage ayant perdu trop de temps dans le déplacement). Vous pouvez effectuer les déplacements en une seule fois, ou en plusieurs fois. Vous pouvez même tracer le chemin que doit emprunter le personnage (pour éviter les pièges par exemple). Néanmoins, dès qu'un personnage effectue une action, son tour se termine (même s'il lui restait du déplacement). Toutes les actions se font à travers un menu circulaire (ou éventuellement une barre de raccourcis dans laquelle vous pouvez placer vos actions favorites). Pour ouvrir ce menu, vous pouvez soit faire un clic droit sur le personnage actif, soit sur une éventuelle cible. Mais parfois, même si vous cliquez sur une cible et que le menu s'affiche, il vous sera impossible de sélectionner une action pour cause d'obstacles entre le personnage et la cible. Il faut donc généralement mieux ouvrir le menu sur le combattant actif, sélectionner une action, et puis sélectionner une cible parmi celles qui sont accessibles (alors surlignées en orange). Chaque action de sort ou d'attaque possède un taux de réussite. Le premier (sort) dépend surtout des compétences du lanceur (mais parfois de la cible, pour les sorts de debuff par exemple), le second (attaque) dépend de l'attaquant mais aussi de la cible. Si votre personnage possède les connaissances requises, il pourra « scanner » sa cible pour avoir un taux de réussite précis. Dans le cas contraire, vous ne pourrez que vous fier à votre instinct. Bien que très tactiques, les combats n'ont pas un rythme terrible. Chaque action prend trois plombes, les ennemis sont mous, et déplacer la caméra sur la carte est une véritable épreuve de patience, surtout qu'elle ne se recentre pas automatiquement sur le personnage actif qui débute son tour. Il est d'ailleurs uniquement possible de bouger la caméra latéralement (de gauche à droite), ou de changer l'inclinaison (d'une vue latérale jusqu'à une vue de dessus). Pour compenser cette monotonie des affrontements, certains défis vous seront parfois lancés : atteindre un endroit précis en X tours pour pouvoir sauver un personnage, survivre à une vague d'ennemis pendant X tours tout en protégeant des civils, enchaîner des combats sans intervalle de repos... De quoi mettre vos neurones et vos nerfs à rude épreuve ! Vos personnages gagneront quelques PA après la fin du combat, et non pas après chaque ennemi vaincu. L'expérience gagnée est prédéfinie, et généralement très limitée, malgré le nombre important d'adversaires. En résumé : Ambiance, ambiance... Blackguards ne vous éblouira sans doute pas par une réalisation 3D à couper le souffle, mais en revanche il faut bien lui accorder une ambiance assez unique. Les graphismes vont de la fausse 2D pour les villes et la carte du monde, à la 3D pour quelques scènes importantes, en passant par la 3D isométrique des combats. Mais le tout reste uniforme et constant, plongé dans une atmosphère mystérieusement sombre. Quant aux musiques qui l'accompagnent, elles sont souvent discrètes mais enveloppent très bien l'univers d'un voile mélancolique et mystique. Également, déjà évoqué précédemment, les doublages sont tout à fait réalistes et donnent un peu plus de vie à ce monde statique. On pourrait facilement se laisser tranquillement glisser dans cet univers magique pour en explorer chaque recoin... sauf que le manque de liberté revient comme une barrière nous couper de toute possibilité d'immersion. En résumé :
Note attribuée : 13/20
|