Fiche complète de ce jeu

On ne présente plus Tri-Ace, connu notamment pour sa série des Star Ocean. Parmi les titres qu’ils ont créés existe un jeu dont la renommée a dépassé les frontières, malgré sa distribution limitée aux Etats-Unis d’environ 70000 exemplaires. Pour ce titre, Tri-Ace a tenté le pari de faire un jeu basé sur la mythologie nordique, laquelle était à l’époque, il faut l’avouer, moins renommée que sa consoeur grecque. Ainsi naquit Valkyrie Profile, jeu encensé à tel point que l’annonce de sa suite a littéralement mis en émoi les afficionados du genre. Pourquoi un tel engouement? Comment un jeu à la distribution aussi faible a pu déchaîner les passions? A l'heure où la version PSP vient d'arriver dans nos contrées, il semble de bon aloi de voir les raisons de cet émoi...

Le crépuscule des Dieux

L’histoire débute sur une petite introduction où l’on assiste aux déboires d’une jeune fille prénommée Platina. Une nuit, son ami Lucian l’aide à s’échapper. Malheureusement, cette fuite ne se terminera pas sous les meilleurs auspices…

Changement de lieu et de temps. Nous assistons à l’arrivée d’une jeune femme dans le palais du Walhalla. Là, Odin, seigneur des Ases et Freyja l’accueillent et lui annoncent la venue prochaine du Ragnarök, la grande guerre céleste. Lenneth Valkyrie, ainsi se prénomme-t-elle, une des trois déesses chargées de surveiller le destin, a pour mission de recruter à Midgard des âmes valeureuses, les Einherjars, pour le Ragnarök.

L’une des forces de Valkyrie Profile est qu’il ne raconte pas une seule histoire, mais plusieurs. En effet, le recrutement de chaque Einherjar nous fournit ce que l’on pourrait appeler un morceau de sa vie, exposant les raisons de ses choix ou de sa façon de vivre. Ici, pas de personnage anonyme, puisque vous assisterez, mine de rien, à la mort de ces derniers. La première impression est d'ailleurs que ce thème de la mort est celui qui domine. Bien souvent, il se trouvera cacher dans chaque recrutement une petite réflexion philosophique comme lors du recrutement de Badrach où il sera dit que même un être coupable de crime peut accomplir une bonne action. Ces scènes seront aussi un moment de tristesse comme avec Yumei qui est probablement l’une des histoires les plus tristes parmi toutes celles proposées. Une grande partie de la richesse de Valkyrie Profile se trouve là. Recruter un Einherjar, c'est vivre avec eux, pleurer, rire, éprouver de la joie et de la tristesse et aussi, d'une certaine façon, "mourir" avec eux. Réussir à donner ces sensations avec chacun des vingt-quatre Einherjars que vous recruterez ne peut que nous faire être contemplatifs devant ce travail...

Certains pourraient trouver étrange cette absence de trame centrale “forcée”, puisque c'est le standard attendu dans un RPG, mais c'est en cela que réside un des points forts de ce titre, c'est une simulation, si on veut, de la vie. Des gens qu'on rencontre, avec qui on sympathise et que l'on quitte et que l'on peut retrouver plus tard. Alors, ce qui semble être une série d'histoires sans lien apparent entre elles représente finalement la vie de la Valkyrie.

Attention, ces différentes, émouvantes et intéressantes histoires ne sont pas le seul intérêt du titre. En effet, Valkyrie Profile propose, bien entendu, d’obéir aux ordres d’Odin en lui fournissant les Einherjars, et d’assister au Ragnarök tel qu'elle est prévue, ce qui est votre mission à la base. Mais il existe une fin que l’on pourrait qualifier de secrète, tant les actions pour la débloquer ne sont point évidentes à trouver et très peu d'indices nous sont donnés pour la découvrir, à tel point qu'il est déconseillé de la faire la première fois que l'on joue au jeu, si on veut en apprécier toute la saveur et la richesse. Cela rend cette fin particulièrement valorisante et absolument sublime, surtout quand on sait que le véritable scénario qui y conduit se retrouve concentré sur seulement un tiers du jeu. Oui, un tiers du jeu contient l'histoire que nous promet le titre du jeu, celle que porte en son coeur la Valkyrie. Cela en fait un véritable tour de force dans lequel vous assisterez à l'éveil de cette dernière aux sentiments humains. Respecter ce qu'est la Valkyrie dans la mythologie nordique tout en lui donnant une histoire propre, que vous êtes libre de suivre ou pas, en fait un chef d'oeuvre scénaristique.

Des personnalités fortes

Comme dit plus haut, chaque Einherjar que vous rencontrerez, puisqu'il s'agit véritablement de rencontres, a sa propre personnalité, à la fois proches et pourtant tellement différentes. Par exemple, vous ferez la connaissance de Lezard Valeth. Rien que ce nom résume la quintessence de la richesse des personnalités de ce jeu. Oui, le fameux Lezard Valeth, dont chaque apparition est teintée à la fois de génie et de folie à l'état pur, fabuleux personnage dont on ne saurait dire ce qu'il fera, tant ce qu'il est défit ce que le joueur rodé a l'habitude de voir. Par certains côtés, on peut considérer qu'il est encore plus fou que Kefka, autre méchant auquel il manque une case.

Mais ce n'est pas tout, vous verrez aussi le sacrifice de Belenus pour la femme qu'il a toujours aimé sans jamais se l'avouer, se sentant esclave des circonstances. Vous pleurerez devant le sort triste de Yumei, bouleversante tant cela est injuste et pourtant porteur d'un message sur les rêves, ou alors vous n'avez pas de coeur. Vous rencontrerez Mystina, pendant féminin de Lezard, incarnation du narcissisme dans toute sa splendeur. Arngrim, le premier dont vous ferez la connaissance, aura certainement les pensées les plus profondes sur lui-même et sa vie, chose qui paraît incroyable lorsqu'on le voit pour la première fois. Il s'agit bien sûr d'exemples pris parmi toutes les histoires présentées.

Mais surtout c'est le personnage de Lenneth, la Valkyrie, qui sera le plus riche. Au départ, parce que c'est l'une des rares héroïnes de l'histoire qui ne paraît pas être là pour la décoration. Non, mesdames et messieurs. Ici, point question d'héroïne faisant office de faire-valoir. On a en face de nous une femme à l'apparence forte, mais qui se révèle en proie au doute, une femme dont on a l'impression qu'elle ne possède pas d'émotions, mais qui les révèle petit à petit, presque avec pudeur, comme si l'éveil de ces dernières était à la fois une bonne chose et une mauvaise, formulation paradoxale mais ô combien humaine, au final.

On dirait du Wagner....

Non, ce n'est pas une plaisanterie, mais une référence au compositeur de l'opéra ''le crépuscule des Dieux'', référence fort judicieuse, puisque le sujet est le même. On ne présente plus Motoi Sakuraba, compositeur de talent qui a officié sur des titres tels que Star Ocean: Till the End of Time. Ce dernier nous fournit ici ce qui peut être aisément considéré pour son meilleur travail, selon certains. En effet, il a composé ce que l'on pourrait appeler une bande-son à deux vitesses.

Le premier style que l'on rencontre se compose des titres qui sont entendus lors des recrutements des Einherjars. Ces musiques sont souvent, très souvent même, mélancoliques et tristes, comme le morceau ''All is twilight''. Certaines sont même quelque peu teintées de spiritualité, à défaut d'autres mots, tel le titre ''When a man is no longer a man''. Cette partie de l'oeuvre s'accorde parfaitement avec les moments qu'elle illustre en fond. Ces musiques jouent un rôle majeur dans l'impact émotionnel que l'on ressent dans ces moments.

La deuxième partie de cette bande-son, elle, accompagne l'exploration des donjons et les combats. Et là, on a affaire à une musique plus rock, plus rythmée, tranchant complètement avec les musiques douces que l'on entendait précédemment La musique des combat, appelée ''Unfinished battle with the gods''' est nerveuse, faisant vibrer et s'accordant parfaitement avec ces derniers, dont nous parlerons plus bas, à un point rarement atteint. Affronter un boss est encore plus prenant avec une musique encore plus nerveuse, ''Confidence in the domination'', chose qui pouvait paraître incroyable. Combattre sera alors un pur plaisir et parfois, on pourra poser la manette juste pour écouter ces musiques envoûtantes et entraînantes qui ont leur part dans le plaisir de combattre.

La juxtaposition de ces deux genres forment un ensemble qui peut paraître surprenant aux premiers abords, mais qui s'avère finalement harmonieux, car chaque piste s'accorde admirablement et majestueusement, pourrait-on dire, aux moments qu'ils accompagnent.

Un doublage exceptionnel

Oui, en plus de musiques de sublime qualité, Valkyrie Profile nous offre un doublage de très grande qualité pour un doublage US. Contrairement à la version japonaise, où chaque personnage est doublé par une seule personne, un voice actor double plusieurs personnages. Mais cela ne se remarque pas, tant le travail effectué ne permet pas de reconnaître le doubleur. L'exemple le plus marquant est que c'est la même personne qui double Arngrim, avec une voix grave et traduisant un comportement sensé, et Lezard Valeth, pour qui la voix est plus aiguë et sonnant comme plus fou. Mais le tout rend une impression de justesse, car l'effort a été fait de s'adapter aux personnalités incarnées. Ainsi, Lenneth aura une voix quasi-monocorde pendant tout le jeu, mais révélant sa personnalité sur la fin, Nanami aura une douce voix respirant l'innocence, Freya aura une voix à la fois sensuelle et glaciale, sonnant justement très divinité. Ce ne sont que des exemples reflétant combien ce doublage est un travail d'orfèvre, mais n'en donnant qu'un petit aperçu.

Une qualité graphique au-delà du somptueux

Pour un jeu playstation, il est purement et simplement magnifique, avec ses décors sont faits point par point. Il suffit de regarder les effets de lumière sur la plage de Hai-Lo pour s'en convaincre. Des petits effets réalisés en toute sobriété, mais dont le résultat reste saisissant. On est ébahi par la richesse des environnements, et on se laisse porter par l'onirisme de certains lieux. C'est comme si les tableaux réalisés sur le thème de la mythologie nordique étaient soudain animés de vie. Tout simplement parce que c'est fin, c'est soigné, c'est de la 2-D avec des effets de 3-D sans effet de manche, tout en simplicité. C'est cela Valkyrie Profile, faire de l'excellent sans tomber dans le sur-effet. Suffit de regarder les artworks des personnages, tous plus beaux les uns les autres et s'inscrivant totalement dans leur personnalité.

Et l'animation est très bonne, avec une impression de dynamisme lors des combats qui renforce déjà celle que nous procurait les musiques. Oui, il est bon de combattre avec cette adrénaline qui monte rien que par la fluidité des animations. L'intro sur le CD1 est un petit anime fort sympathique qui met en scène ce mélange de fureur et de délicatesse qui contraste entre le graphisme fin et l'animation fluide.

Un système de jeu qui détruit tout

Oui, Valkyrie Profile propose un système qui est à la fois conventionnel et bourré d'idées novatrices pour faire plaisir aux joueurs. Et cela place ce système à un niveau supérieur.

Le Ragnarök est très proche....

Tout d'abord, il faut noter que le temps pour accomplir votre mission n'est pas infini, puisque le Ragnarök est proche. Ainsi, le jeu se retrouve découpé en 8 chapitres chacun contenant un certain nombre de périodes, suivant le mode de difficulté. Chaque action que vous effectuerez sur la carte du monde coûtera des périodes. Ainsi, entrer dans une ville demandera une période alors que détecter l'apparition d'un Einherjar potentiel en vaudra deux. Il faut faire attention, car l'entraînement d'un Einherjar est nécessaire, surtout en mode difficile où tout le monde commence au level 1, pour qu'ils acquièrent les conditions que demandera en fin de chapitre Freya. Plus vous respecterez ces conditions et plus la récompense sera grande.

Remplissez vos objectifs de production

En effet, à chaque chapitre, vous serez convoqué par Freya, votre supérieure, dans une ''sacred phase''. Là, vous pourrez voir ce que font les Einherjars que vous aurez envoyé au Walhalla, mais cela a peu d'effet sur le déroulement du scénario. Plus important est que vous recevrez, suivant que vous respectiez plus ou moins bien les demandes de la patronne, des Materialize Points, nécessaires pour fabriquer armes, armures et autres objets utiles à votre survie, car les villes n'ont pas de boutiques pour vous, immortels de Walhalla. Ces derniers seront d'autant plus nombreux que vous êtes proches des demandes de Freya. Pour remplir ces conditions, vous pourrez développer les traits des personnages (sauf pour les entités divines), ce qui fera monter leur Hero Value, qui conditionne la possibilité d'envoi des Einherjar.

Sortez vos morts!

La première chose que vous devez faire à chaque chapitre, c'est de vous concentrer. Ainsi, vous découvrirez qui est sur le point de passer l'arme à gauche et, donc, de pouvoir aller le chercher en vous déplaceant sur la carte. C'est d'ailleurs quasiment la seule chose intéressante à faire, puisque les villes, à quelques exceptions près, ne contiennent rien d'intéressant.

La concentration vous permettera aussi de dénicher les donjons où vous aurez à développer vos Einherjars, donjons dont l'exploration est très réussie. En effet, vous progressez sur un plan 2D à la façon jeu de plate-forme, mais, car il y a un mais, les donjons ne sont pas sur un seul plan. Il faudra passer soit à l'avant, soit à l'arrière, si on peut dire, pour pouvoir progresser dans ces lieux qui peuvent être très tortueux par moments, comme la Tour de Lezard Valeth par exemple. Pour progresser, vous pourrez recourrir à des cristaux magiques qui serviront de marche-pied pour monter les obstacles ne pouvant être franchis par un simple saut ou pour atteindre certains endroits contenant certains items ne pouvant être obtenus autrement.

''It shall be engraved upon your soul!!!''

Et maintenant, parlons de la vraie vedette du système de jeu, les combats. Et quels combats! Avec une simple idée, ils ont créé un système de combat qui donne des poussées d'adrénaline. Simplement, chaque personnage est assigné à une touche. Pour attaquer, il suffit d'appuyer sur chaque touche, le nombre de fois que l'arme équipée vous accorde, détail qui a son importance pour briser les gardes de certains ennemis. Les mages, eux aussi, agissent de la même façon, car les magies ne demandent pas de MP pour être lancés, mais demandent un certain nombre de tours pour pouvoir être rechargées. Chaque coup qui a porté remplit un compteur de nombre de coups qui, une fois arrivé à 50, augmentera la puissance des attaques, vous permettant d'asséner plus de dégats. Cela s'avère très important sur la fin du jeu, où les ennemis commencent à être longs (mais qui s'en plaindrait devant le pied que l'on prend pendant les combats?).

Mais ce n'est pas tout, les attaques remplissent une jauge d'énergie qui, une fois pleine, vous permet d'utiliser les attaques spéciales appellées ''Purified Weird Souls'', ou PWS pour les intimes, de la même façon que l'on attaque. Chaque PWS permet de remplir encore la jauge d'énergie et ainsi d'enchainer les quatre. Et c'est là que les combats atteignent un autre niveau. En effet, là où la première impression est qu'il s'agit d'un système bourrin, il se révèle en fait très stratégique au final, car l'enchaînement des PWS nécessite de connaître la quantité d'énergie que chacune ajoute à la jauge. On rejoint l'idée donnée par le scénario que Valkyrie Profile est un jeu multi-couches. Surtout quand on s'aperçoit que certains sorts peuvent être lancés en multi cible si on appuie sur la touche select, ce qui nous fait accéder à un menu, où l'on peut accéder à son inventaire ou fuir, entre autres. Aussi, vous pouvez configurer certains skills pour vos personnages, tels que ''counter'' qui permet de risposter une fois que l'on a esquivé une attaque ennemie ou ''auto-items'' qui permet d'utiliser un objet automatiquement (et une véritable nécessité au fur et à mesure de l'avancement du jeu).

Au final, le système de jeu est un pur chef d'oeuvre concilliant le classicisme du RPG à des nouveautés extrêment bien pensées et réalisées.

Durée de vie

Comment juge-t-on la durée de vie d'un jeu? Au temps nécessaire pour faire le scénario? Ou bien au nombre de fois que l'on revient au jeu? Si c'est le premier cas, alors Valkyrie Profile se finit en une trentaine d'heure, en incluant le donjon ultime, la ''Seraphic Gate'', où vous affronterez les adversaires les plus dangereux du jeu, et où le boss final sera un moment d'anthologie du genre, puisque ce combat peut durer jusqu'à une heure. Si c'est le second choix, alors Valkyrie Profile a une durée de vie qui tend vers l'infini tant la richesse du titre, sur tous les points de réalisation, attrape le joueur au plus profond de son être. Voilà une démonstration d'un jeu qui accroche le féru de RPG au paddle.

Valkyrie Profile est un pur chef d'oeuvre, ni plus, ni moins. La réalisation technique, que ce soit sur le plan graphique ou sonore, a été éxécutée avec une attention de joaillier, tant le résultat obtenu emporte le joueur dans un pays de rêve. La trame scénaristique n'est pas en reste avec les différentes histoires qui nous seront narrées, mais surtout grâce à la condensation de l'histoire de Lenneth sur une petite partie du jeu. Mais aussi, nous retiendrons le système de jeu, ô combien génial, qui, à lui seul, vous clouera au paddle aussi surement que la super glue colle. Voilà un jeu auquel le joueur qui s'y essaiera ne pourra pas le quitter, ne serait-ce que pour le système de combat, mais aussi à l'aide de toutes ses autres qualités. Bref, nous avons en face de nous un jeu qui flirte de très près avec la perfection.

Note attribuée : 19/20

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