De la maintenant longue histoire des albums arrangés pour le piano de la saga Final Fantasy, le onzième épisode peut se targuer de posséder deux opus disjoints, produits à plus d'un an d'intervalle. Il faut dire que la bande originale de ce jeu de rôle massivement multijoueurs (MMORPG) comporte un nombre faramineux de pistes auxquelles s'ajoutent de nouvelles pièces composées lors de la sortie des add-ons. Ainsi, le premier CD fait partie intégrante du pack regroupant la totalité des OST de jeu dans un coffret de sept galettes, nommé "Prémium Box". Regroupant dix pièces pour la plupart extraites de la bande originale de base, ce premier "Piano Collections" ne laissait pourtant pas présager d'un nouvel avatar, les fans attendant plus la sortie d'un arrangement de l'épisode 12, pour lequel on sait que Sakimoto et le piano peuvent faire, éventuellement, bon ménage (voir l'album arrangé de Stella Deus). C'est donc avec surprise qu'apparaît un second "Piano Collections" de Final Fantasy XI, totalisant cette fois onze pièces faisant la part belle aux musiques venues des add-ons.

Avant d'entrer plus avant dans chaque album, signalons que l'on doit la plupart des musiques de la bande originale à Naoshi Mizuta, secondé à l'occasion par Nobuo Uematsu, Kumi Tanioka. La plupart des pièces arrangées ont donc pour origine Naoshi Mizuta. Nous ne ferons pas l'offense de présenter le sieur Uematsu, mais les autres noms sonneront peut-être avec moins de familiarité à la plupart d'entre nous. Avant de se lancer dans l'aventure Final Fantasy XI, Naoshi Mizuta s'est surtout illustré pour la bande-son de Parasite Eve 2. Quant à Kumi Tanioka, cette jeune femme se signale par sa participation aux OST de Chocobo Fable ou encore Code Age Commanders. Les arrangements pour piano, eux, sont signés Kaoru Ishikawa pour les deux albums.

Final Fantasy XI Piano Collections "Premium Box"

Ce recueil s'ouvre par une pièce parmi les plus enjouées qu'il soit. Assez vive, The Federation of Windurst (en Fa Majeur), utilise une métrique à 6/8, ce qui lui donne immédiatement un caractère dansant et plein de fraîcheur. Après une bonne introduction, la partie centrale de la pièce s'installe dans une ambiance plus sombre et tourmentée que le petit retour du thème initial vient estompé, nous laissant sur une très agréable sensation. Le deuxième morceau, Rabao (en mi mineur), paraît d'emblée plus anonyme, son inaltérable rythme à la main gauche étant un rien monotone. La partie médiane, tout en grands accords, vient heureusement rompre cette monotonie et propose dans voix intérieures, esquissant une inquiétude palpable jusqu'à la reprise du thème. Attendu au tournant, Choc-a-bye Baby (en Fa Majeur), propose une atmosphère radicalement différente, reposée et calme, tout en reprenant le célèbre thème des volatiles mascottes de Square. Certainement la pièce la plus limpide du livre, elle n'en est pas moins remplies d'harmonies gracieuses et expressives, et sa façon d'exposer le thème, dans l'aigu du clavier est pour le moins originale. La pièce suivante, Moblin Menagerie-Movalpolos (en do mineur), est sans aucun doute la petite perle du recueil. Adoptant une mesure à trois temps, la main gauche scande un rythme languissant comme une danse d'amérique du sud, à laquelle répond la mélodie de la main droite, un brin triste bien que très articulée, créant dissonnances et chants intérieurs du meilleur goût. Une partie centrale, beaucoup plus liée et douce, contraste drastiquement avec le thème, qui reviendra une dernière fois avant la conclusion nostalgique reprenant l'introduction. Beaucoup plus mystérieuse est Faded Memories-Promyvion (en la mineur), laissant l'auditeur dans un flou harmonique d'où s'échappe des fragments de mélodies. Lentement mais sûrement, la pièce gagne en profondeur et de brusques changements d'atmosphères, délaissant en partie le leitmotiv d'accompagnement, naviguant habilement entre le grave et l'aigu du piano. On ne s'envolera guère plus dans le morceau suivant, Jeweled Boughs (en Sol Majeur), malgré une belle mélodie malheureusement peu desservi par un accompagnement restant seulement dans son rôle. La partie centrale, en mi mineur, est beaucoup plus prenante, mais malheureusement un peu courte pour nous sauver de l'ennui. Tu'Lia (en Do Majeur) arrive à point nommé pour redresser la barre, notamment avec ces quatres notes pointées répétées presque inlassablement jusqu'à l'arrivée du thème, qui occupe toute la fin de la pièce, malheureusement dans la même veine (trop, sûrement) que le morceau précédent. L'ultime pièce, Distant Worlds (en Fa Majeur) est aussi la chanson du jeu, ce qui explique son caractère de mélodie accompagnée, agréable, et à peine assombrie par une pédale de ré mineur qui ne fait que passer, et qui reviendra par la suite, ajoutant une touche plus personnelle à cette pièce conclusive.

Le livre propose également deux autres pièces, pour piano à quatre mains. Battle Theme #2 (en mi mineur) se présente, classiquement, comme une pièce d'étude avec la partie aigüe qu'on voit très bien réserver à l'élève. Assez brillante, elle se démarque du reste de l'album, plus intime, tout comme Vana'diel March #4 (en Do Majeur), légèrement plus élaborée et utilisant toute l'étendue du clavier avec une belle acuité, et surtout sans trop de lourdeur.

Final Fantasy XI Piano Collections

Ce second livre, qu'on pourrait qualifier de "vrai" Piano Collections, puisqu'il est sorti indépendamment, au contraire du premier, s'ouvre sur l'étrange A New Horizon - Taznazian Archipelago (en Si bémol Majeur). De construction assez complexe et décousue, la pièce déroule en fait toujours le même thème, accompagné de différentes manières, dans une écriture pianistique précise et efficace, se permettant quelques difficultés digitales. Il en va tout différemment de Ronfaure (en mi mineur), dont la simplicité d'écriture touche dès les quatre premières mesures, où la main gauche sonne tel un tambourin. A partir de cette ambiance faussement moyennageuse, une première digression constituée de gammes rapides amène, sur la troisième page, à une reprise du thème sous un accompagnement inattendu mais tellement beau. Le temps semble s'arrêter lorsque des triolets apparaissent sur de longues notes tenues, mais la reprise du début sonne ensuite comme le retour aux choses de la vie, un brin nostalgique et rêveur comme le dernier accord de cette pièce, la plus longue de l'album, extraordinairement soignée. A contrario, The Grand Duchy of Jeuno (en Fa Majeur), dans une métrique à 6/8, laisse éclater son classicisme et son humour tout entier avoué ici. Une partie médiane plus romantique ne fait qu'accentuer cette impression. C'est à nouveau la tonalité de mi mineur qui est à l'oeuvre dans Whispers of the Gods, dans une atmosphère malheureusement beaucoup plus neutre qu'avec Ronfaure. La même simplicité est pourtant là, mais la pièce peine à se forger son caractère, si ce n'est dans la partie centrale, en mi majeur, plus intéressante. Stargazing (en ré mineur) s'enferme dans la complexité de son rythme à la main gauche, qui n'apporte guère d'expression dans une pièce où le piano semble dépouillé et vide. Cette incursion dans un univers plus rythmique s'achève avec The Sanctuary of Zi'Tah (en fa mineur), morceau touchant, bien que manquant globalement (une fois de plus) de personalité. Une fois le thème exposé, la partie médiane, beaucoup plus expressif, résonne en accords quasi religieux avant de revenir à la première partie, un rien monotone, malgré quelques modulations périlleuses. Toujours aussi calme, The Cosmic Wheel (en la mineur), semble plein de richesse dès ce début à la main gauche, sorte de roue tournant à l'infini mais comportant néanmoins déjà deux idées musicales distinctes. Au centre, un passage en mi mineur confié à la main gauche est des plus délicats et prépare au retour de la "roue" qui termine la pièce très mystérieusement dans l'extrême aigu. Griffons Never Die (en la mineur) semble en comparaison beaucoup plus effacé et lointain ; assurément le moins bon morceau de l'ensemble. L'ultime piste, Wings of the Goddess (en Fa Majeur), renoue avec un certain mouvement, un dynamisme et une certaine concision du discours qu'on avaient quelque peu délaissés depuis les premières pièces du CD "Premium Box", idéal pour conclure et boucler la boucle avec The Federation of Windurst.

Tout comme dans le premier livre, deux pièces pour piano à quatre mains sont également présentes. Fated Strife -Besieged- (en Do Majeur), avec ses frottements continuels au premier piano, retient sans attendre notre attention. Quant à Mercenarie's Delight (en la mineur), c'est une pièce beaucoup plus brillante, judicieusement équilibrée entre les deux pianos.


Conclusion

Un album "Premium Box" qui vaut surtout par ses quatre premières pièces, exception faite de Rabao. Les autres ne sont guère mémorables, jouant sans doute trop toutes dans le même registre de l'apaisement et de la quiétude. Malgré une belle musicalité et une écrire pianistique très au point, elles manquent cruellement de caractère et de personalité. Le constat pourrait être presque identique avec le second recueil, où seule Ronfaure (la seule pièce signée N. Uematsu dans cette ensemble) attire notre attention, mais quelle piste ! car le reste de l'album, stagnant perpétuellement dans des atmosphères semblables et un peu montones, s'enlise quelque peu dans une certaine langueur, sans que cela soit désagréable pour autant car aucune pièce n'est réellement irritante. Les pièces pour quatre mains, elles, apportent un brin de dynamisme à l'ensemble et sont plutôt bienvenues. Les arrangements pour piano sont remarquablement écrits et révélateurs d'une belle maitrise de l'instrument. On pourrait même se demander, à l'écoute de pièces comme Ronfaure, si le problème ne viendrait pas plutôt des musiques originales, d'une qualité moindre que leur propre arrangement.