Divinity : Original Sin 2 : Ifan ben-Mezd

English version

Côte de la Faucheuse, Flottebois — Taverne du Taureau Noir, échoppe d'Effie.

Le lieu était bondé. L'air était chaud et moite, presque irrespirable. Il y régnait une forte odeur de drudanae. Mais personne ne semblait s'en soucier.

Magisters, nains, mercenaires, lézards, tous, sans distinction, s'y rassemblaient. La pièce, plutôt spacieuse, était faiblement éclairée par des torches et des chandelles. Des cloisons de fortune — piliers anciens, planches mal ajustées, ou simples rideaux — découpaient l'espace en alcôves.

Sous le plancher de fortune, on devinait malgré tout les vestiges de ce qui pouvait être autrefois l'intérieur d'un temple ou d'un fort.

Par-dessus le bruit assourdissant provoqué par les nombreuses voix de la clientèle, et du chant d'un barde qui tentait tant bien que mal de se faire entendre, s'élevaient des bruits de fracas nettement reconnaissables à ceux d'un combat. En effet, non loin de là, se trouvait une arène permettant aux braves, ou aux fous, de s'affronter entre eux. Le vainqueur bénéficiait alors d'une renommée certaine.

Un homme, le cœur battant la chamade, vacillait sous l'effet de la drudanae. Sa perception se brouillait ; il ne savait plus distinguer le réel de l'illusion. Les sons se distordaient, les formes se déformaient… puis, une voix s’échappa de ses lèvres :
— Papa ? Maman ? dit-il. Étrangement, ce n’était plus la voix d’un homme, mais celle d’un enfant. Devant lui apparut une scène d’horreur. Son père, la gorge tranchée. Sa mère, une dague plantée dans le ventre, tous deux gisant dans une mare de sang. La femme, toujours en vie, tourna faiblement la tête vers lui : « Ifan… Fuis… ». Sa voix n’était plus qu’un souffle.

Ifan chancela, abasourdi. Il porta les mains à son crâne, ferma les yeux, tentant de repousser la vision.

Une nouvelle vision surgit, indistincte au début, puis s'imposant comme un souvenir refoulé. « Ifan, j'ai confiance en toi. La vie du peuple elfique repose entre tes mains. Tu ne me décevras pas. »
— Lucian… ? grogna Ifan entre ses dents.

Il se releva. Il entendit des pas, puis un ronflement.
« Un tigre ? » pensa-t-il, incrédule.
L'animal avait flairé son odeur. Attiré par elle, il leva doucement la tête et le fixa du regard. Ses yeux devinrent bleus. Il bondit sur l'homme, encore surpris par cette soudaine apparition. Voyant ses griffes acérées et ses crocs tranchants, Ifan renversa la table devant lui en guise de barricade, et chercha désespérément son arbalète, mais en vain. Le tigre fondit finalement sur lui et le plaqua au sol de tout son poids. Sa gueule n'était plus qu'à quelques centimètres de son visage, à tel point qu'il pouvait sentir son haleine. Ce n'était plus qu'une question de secondes avant qu'il ne sente la puissante morsure de la bête s'enfoncer dans sa chair. Quelle solution lui restait-il ? D'une voix forte, il dit :
— Afrit, viens ! rugit-il, les yeux flamboyants de détresse et de détermination.

Une vibration parcourut l'air, suivie d'un souffle. Le sol se fissura, et, dans un hurlement à glacer le sang, un loup noir comme la nuit jaillit d'un nuage d'ombres.

Soudain, un cri retentit dans la taverne :
— Par les Sept ! Un démon ?! dit une voix affolée.
— À couvert !

Un énorme loup au pelage d'un noir de suie était apparu de nulle part. Les clients se précipitèrent vers la sortie, se bousculant les uns les autres.
Entre les volutes bleutées d'une pipe de rêveur et l'entrée, deux silhouettes vêtues d'un uniforme rouge se détachèrent de la foule. Ils s'avancèrent d'un pas décidé vers le perturbateur.
— Dégagez !
— Toi, là ! Rappelle ton loup immédiatement et suis-nous sans faire d'histoire, dit l'un d'eux, la voix tendue.
— Jamais ! cracha-t-il, sans même comprendre à qui il faisait face.

L'agitation dans la salle s'amplifia ; les clients de la taverne se mirent à reculer de crainte, et des cris se firent entendre. Des tables furent renversées, des chopes volèrent de toutes les directions.

Même sans son loup, l'homme faisait lui-même penser à une bête sauvage. Malgré sa carrure imposante, il s'était relevé avec une agilité déconcertante, et s'apprêtait maintenant à en découdre avec quiconque lui barrerait la route. Il balaya la pièce du regard, comme s'il cherchait quelque chose. Le tigre qu'il avait aperçu plus tôt n'était plus là. Il avait disparu sans laisser de traces. Ou, peut-être, n'avait en fait jamais existé ?

Afrit, lui, était bien réel. Le loup noir montrait les crocs, campé entre Ifan et la foule figée, prêt à défendre son maître.

Toujours dans un état de semi-conscience, Ifan passa la main dans son dos et y trouva enfin sa fidèle arbalète, l'Œil des ombres. Il la leva et la plaça en joue. L'homme en rouge répliqua aussitôt en attrapant la poignée de la masse suspendue à sa ceinture. Sa consœur fit de même et dégaina son épée.
— Éloignez-vous, on s'en occupe ! Annonça la femme à l'uniforme rouge. Reculez si vous ne voulez pas être blessés ! N'interférez pas !

C'est alors qu'une femme de petite taille, une naine à la chevelure chatoyante, se fraya péniblement un chemin entre les clients et éleva une voix étonnamment forte et autoritaire :
— Ifan ! Reprends-toi, enfin ! Tu as un peu trop forcé sur la drudanae, non ? Tu t'es mis dans de beaux draps !
— Lucian… pourquoi… Continua Ifan, fiévreux et délirant. Mais avant-même d'avoir pu finir sa phrase, il s'effondra au sol.

Effie, la tenancière, le connaissait bien. Ifan, surnommé la Griffe d'Argent, était un habitué, qui venait souvent se détendre dans son échoppe. Pourquoi fallait-il qu'il perde le contrôle, cette fois-ci, alors que des Magisters se trouvaient dans les parages ? La frustration et la colère s'emparèrent d'elle. Au-delà du fait de perdre un bon client, c'était aussi un ami et un précieux contact au sein des Loups Solitaires, un groupe impitoyable de mercenaires et d'assassins prêts à tout pour accomplir leurs contrats. Ifan lui-même bénéficiait de ce genre de réputation, et rares étaient ceux qui osaient se mettre en travers de sa route. Pourtant, il restait l'un des plus fiables qu'elle connaisse.

En cet instant, elle se sentit impuissante, ne pouvant rien faire sans risquer d'être accusée elle-même à son tour, ou, pire, de se voir contrainte de fermer son établissement de la taverne souterraine.

Effie jura entre ses dents. Encore une nuit pourrie. Elle jeta un regard noir aux Magisters, puis à Ifan. Il lui devait une table, deux chopes, et maintenant... peut-être sa couverture.

La loi était la loi. Les Magisters de l'Ordre Divin avaient pour mission d'arrêter toute personne ayant recours à la Sourcellerie.

Ensourceleur ! Le mot tomba comme un couperet, suffisant à glacer toute la taverne.

Il fut ensuite envoyé à Fort Joie, fondé il y plusieurs milliers d'années par le tyran, Braccus Rex. L'Ordre Divin s'était ensuite approprié les lieux et en avait fait une île-prison. Il était dit que les Ensourceleurs qui y étaient envoyés se voyaient offrir un mystérieux remède leur permettant de purger leur Source. Mais personne n'en était jamais revenu pour en attester.

•••

Des années plus tôt, à « Teneb Tiriel », la Forêt Sombre, sud de Ferol.

Le silence n'était troublé que par le bruissement du vent dans les feuillages… et par de faibles sanglots étouffés, émanant d'une carriole renversée. À l’odeur boisée se mêlaient les relents âcres du sang.

Un garçon, recroquevillé, pleurait à chaudes larmes, le visage enfoui dans ses bras.

Une voix douce, presque murmurée, s’éleva à proximité :
— Approche, petit humain. Ton père et ta mère feront désormais partie de nous. Ils vivront à travers nos souvenirs. L'endroit n'est pas sûr… viens.

L'homme qui lui parlait était mince et élancé. Il avait le pas léger et avait été capable d'approcher sans faire le moindre bruit. Ses vêtements étaient composés de végétaux et ornés de plumes et de perles colorées. Il n'était pas très grand, mais avait de longues oreilles pointues. Sans aucun doute, il s'agissait d'un elfe d'un village voisin.

Aucun sentiment de menace ne se dégageait de lui. Le jeune enfant, bien que profondément perturbé par la situation, n'eut aucun mal à lui accorder sa confiance. Il se sentit même rassuré, tranquillisé.

En arrivant au village, l'elfe le guida jusqu'à une place centrale. Des huttes de petite taille, recouvertes de feuillages et de chaume, étaient placées de manière irrégulière tout autour. Des arbres aux troncs centenaires, immenses et impressionnants, protégeaient le village de leurs feuillages. Une étrange impression s'en dégageait. Comme s'il avait deviné ce qui troublait l'enfant, l'elfe les désigna du doigt tour à tour, et déclara :
— Ce sont des arbres ancestraux. Le corps de nos défunts confrères repose en ces terres. Leur esprit prend alors racine et se transforme en un arbre ancestral. Chacun possède le souvenir de sa vie passée, et le partage à notre Arbre-Mère.

L'enfant, toujours choqué, écoutait et suivait son guide sans broncher.

Au bout de quelques instants, l'elfe s'arrêta.
— Dis-moi, jeune humain, quel est ton nom ?
— I-Ifan. Ifan ben-Mezd…
— Sois le bienvenu parmi nous. Tu peux rester ici tant que tu le voudras.
— Mais… mes parents…
— Ils sont retournés à la terre. Et maintenant qu'ils te savent en sécurité, leur esprit va pouvoir rejoindre le Hall aux Échos.

Des larmes roulèrent sur ses joues.
— Les brigands… ils nous ont attaqué… on ne faisait rien de mal !
— Je le sais. Vous étiez des marchands, n'est-ce pas ? Les chemins ne sont pas sûrs, à cette époque de l'année. Mais ici, tu n'as plus rien à craindre.

D'après l'histoire d'Ifan ben-Mezd, personnage d'origine – Divinity : Original Sin 2 @ Larian Studios

Auteur : Tennee

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