Chapitre 6

Une lueur blafarde éclairait le compartiment sombre où étaient entassés diverses caisses et cartons. Entre deux barils, Biggs regardait ses compagnons.
- Clad n'est jamais venu finalement, dit-il
Le train roulait depuis quelques instants déjà et il n'y avait eu aucun signe du mercenaire.
- S'il veut son argent, il a intérêt à se ramener parce que je vais pas me casser le cul pour le retrouver, grogna Barret que son gabarit empêchait de bien se caler entre deux caisses.
- Peut-être qu'il est ailleurs dans le métro, hasarda Jeese (ce qui surprit Biggs).
Jeese ne parlait que pour rabattre le clapet des autres. Peut-être avait-elle de la considération pour le mercenaire. Ce serait étonnant mais pas impossible, après tout, il lui avait sauvé la vie.
- M'étonnerait lui répondit Wedge du haut de sa pile de cageots. On lui avait bien précisé le compartiment marchandise.
Barret abattit son énorme point sur une caisse, mettant fin à la conversation. Biggs s'inquiétait pour le mercenaire. Après tout, il leur avez sauvé la mise à tous, et deux fois pour Jeese. Sans lui, ils n'auraient jamais réussi. Perdu dans ses pensées, le petit homme ne remarqua pas le choc sourd qui venait du plafond. En revanche, tous entendirent distinctement les pas qui descendaient les échelons près de la porte extérieur. Sans un bruit, Biggs et Wedge se placèrent de part et d'autre de la porte, Biggs avait déjà un couteau à la main. D'autres chocs leur apprirent que quelqu'un essayait d'ouvrir la porte. Barret, à couvert derrière une caisse, son arme pointée dans la direction du bruit, leur fit signe de ne pas bouger. La porte s'ouvrit à la volée et quelqu'un entra dans le compartiment.
- Clad ! s'écria Jeese en se jetant dans les bras du mercenaire.
Wedge sourit et Biggs cria de joie.
- T'es en retard, grommela Barret, apparemment le seul qui n'était pas de bonne humeur. Jeese l'enlaçant toujours, Clad répliqua :
- Ouais, je rêvais de te faire croire que tu n'aurais pas à me payer.
- Imbécile ! hurla Barret. Tu ne vois pas qu'on s'est tous inquiété pour toi !'
- C'était pas la peine, ricana le jeune homme.
Pendant un instant Biggs cru que Barret ne pourrait pas se contrôler et qu'il allait flinguer le mercenaire et Jeese qui ne s'en décollait pas par la même occasion. Mais le géant se calma, lâchant un juron dont il avait le secret, il se retourna et ouvrit la porte qui menait aux compartiments passagers.
- Allez ! Tout le monde la dedans et qu'ça saute !
Wedge suivit Barret et Biggs suivit Wedge. Jeese lâcha enfin Clad :
- Oh Clad ton visage est tout noir.
Elle sortit un mouchoir et essuya le visage du mercenaire.
- Voilà ...
Tout deux se regardèrent un moment sans échanger un mot. Le silence était magique, Jeese n'avait jamais ressenti un truc pareil auparavant. Même toutes les fois où elle avait couché avec un garçon. C'était génial, un vrai moment d'extase.
- Bon vous vous bougez le cul merde !
Le cri de Barret eu pour effet de ramener le couple sur terre et les jeunes gens allèrent rejoindre le reste du groupe.

Quand Barret était entré tant bien que mal dans le compartiment, celui-ci s'était vidé de ses précédents occupants ce qui leur laissa toute plénitude dans le choix des places. Barret s'affala sur une banquette qui protesta vivement en grinçant dangereusement. Wedge s'appuya contre la porte pour que personne n'entre. Biggs s'assit sur une banquette à côté de Barret, Clad en face du colosse et Jeese à ses côtés.

Les voyageurs étaient silencieux. Jeese travaillait sur son ordinateur portable, Biggs et Wedge échangeaient des plaisanteries tandis que Barret et Clad, dans une attitude de leader et de professionnel longuement étudiées, fixaient le plafond.
- Tiens, on est passé sous la Plaque lança Barret
- La plaque ? interrogea Clad.
- C'est comme ça que les gens des Taudis l'appellent, j'croyais que t'étais déjà venu ici.
- Bof, à peine une semaine ou deux, après camp d'entraînement à Condor.
- OK. Bien, comme tout le monde le sait, Midgar est sur une énorme plaque de métal culminant à une soixantaine de mètres de hauteur. La Plaque est divisée en huit quartiers, Chaque quartier est alimenté en énergie par un réacteur Mako. Avant tous les quartiers avaient un nom mais plus personne aujourd'hui ne les connaît alors on les appelle par leur numéro. Chaque partie de la Plaque est soutenue par l'armature centrale de la vile et un gigantesque pilier porteur situé au niveau de chaque gare. Les trains tournent autour de ces piliers pour descendre à la surface. Nous on descend dans les taudis du secteur sept.
- Taudis ?
- Ouais, les taudis, ces bidonvilles, où tous les pauvres gars qui sont arrivés avec des rêves plein la tête pourrissent alors qu'il y a assez de place sur la Plaque pour tout le monde.
- Pourquoi ne vont-ils pas y vivre alors ?
- Va savoir. Peut-être parce qu'ils n'ont pas assez de fric ou alors parce qu'ils tiennent à leur terre même si elle très polluée.

Le mercenaire opina, mieux valait se taire sinon Barret risquait de déraper sur un de ses discours écolos et Clad reporta son attention sur le plafond qui, même s'il ne présentait que peu d'intérêts, avait le net avantage d'être muet.

Le train arriva à son terminus, la gare du secteur sept. La porte du wagon s'ouvrit et le groupe en sortit, suivant Barret vers leur QG. Encore une fois, comme toutes les autres fois, les narines de Clad se bouchèrent pour ne plus sentir la puanteur des lieux. Le mercenaire n'arrivait pas à croire que des centaines de millions d'êtres humains puissent survivre dans ces endroits sordides et puants dont chaque habitation n'était qu'un conglomérat de divers détritus. Tôles et béton fusionnaient dans ces tas informes où s'entassaient des dizaines de personnes tandis que venant du plafond, une lumière grise diffusée par des projecteurs sensés remplacer le soleil que nul ici n'avait jamais contemplé, brûlait la terre boueuse imbibée d'hydrocarbures et jonchées de déchets. Barret disait que si on raffinait toute la boue de Midgar, on trouverait assez de pétrole pour ruiner la Shinra. Clad pour sa part, était sûr que les rares juges du dessus de la Plaque devaient avoir dans leur liste des peines les plus lourde un séjour d'une semaine dans les taudis.

Les membres d'Avalanches finirent par arriver devant un bâtiment un peu plus grand et surtout beaucoup plus propre que ceux du voisinage. Au dessus de la porte était accroché une enseigne au néon fluorescente où on pouvait lire (pour les rares habitants des taudis qui savaient) « Au 7eme Ciel ». Apparemment le bar chic du coin. En dessous de l'enseigne, un homme fumait une cigarette en scrutant la rue. Il soupira lorsqu'il aperçu le petit groupe arriver.
- Salut Spike, s'exclama Barret, c'est toi qui t'y colles aujourd'hui ?
- Eh ouais. Que veux-tu j'ai encore tiré le mauvais numéro. Bon c'est pas tout mais faut que j'y aille moi.
Et sur ses mots, il disparut à l'intérieur du bar.

Dans le civil, Barret était le videur du 7eme ciel. C'est à dire que lorsqu'il entrait par la grande porte, le bar se vidait par la petite. Cette tradition très particulière venait du fait qu'à chaque fois que le géant noir était saoul ou désirait être seul ou en privé, il tirait dans le tas. Depuis qu'il avait été réprimandé parce qu'il faisait baisser le chiffre d'affaire, le rusé Barret avait trouvé un habile compromis. Le bar fonctionnait jusqu'à la fermeture qui se produisait quand Barret entrait et se remettait en route à sa sortie. Pour éviter la panique, un habitué tiré au sort faisait le guet pour prévenir les clients de l'arrivée imminente du colosse, leur donnant ainsi le temps de payer leurs consommations avant de fuir par la porte de derrière.

Le petit groupe attendit un instant que les clients aient le temps de tous payer puis ils franchirent l'entrée du bar.
- Allez viens ta chérie t'attend, lança Barret à Clad qui secoua la tête.
La salle était petite mais conviviale, la décoration choisie avec goût. Sur les tables en bois (denrée très rare à Midgar) trônaient des verres encore à moitié plein qui, avec les chaises renversées, étaient les seuls témoins d'un départ précipité et massif. Un flipper cassé se terrait dans un coin tandis qu'un juke-box diffusait un vieil air de country. Dans le fond de la pièce se tenait le bar proprement dit. C'était un vrai bar avec les tabourets devant, les étagères où les bouteilles de divers alcools et cocktails étaient parfaitement alignées et même un grand miroir. Derrière le bar, essuyant négligemment d'un geste stéréotypé un verre à l'aide d'un torchon se tenait le barman. Ou plutôt LA barman (ou barwoman) qui était accessoirement la propriétaire de l'établissement et la responsable de la présence d'une bonne partie de la clientèle masculine. C'était une magnifique jeune femme brune, vêtue d'un petit T-shirt moulant qui contenait à peine son opulente poitrine et d'une jupe tout juste assez longue pour mériter le qualificatif de « mini ». Posant enfin son verre, elle leva vers eux ses yeux de biche puis un grand et magnifique sourire illumina son visage.
- Dieu merci, vous êtes tous sains et saufs.
- Papa ! Papa !
Ils purent à peine distinguer la petite boule rose qui sortit en trombe de la réserve pour se jeter sur un Barret riant aux éclats. Avec une surprenante douceur, le colosse souleva la gamine et la déposa tendrement sur son épaule. L'expression du géant s'était transformée, adieu le leader austère et grognon et bonjour le papa poule.
- Marlène, ma chérie, tu as encore grandie !
Le duo dégageait une impression étrange, choquant l'oeil par ses disproportions et le bonheur qu'il irradiait dans ce paysage de misère.

Laissant Barret à sa fille, le groupe s'installa au bar.
- Qu'est ce que je vous sert ? demanda la barman.
- Comme d'habitude Tifa, répondit Biggs
- Pareil, continua Wedge
- Pour moi aussi, renchérit Jeese
- Et toi Clad ? interrogea Tifa
- Une infusion s'il te plaît.
Les trois membres d'Avalanche fixèrent le mercenaire avec des yeux ronds. Clad le sentait mais il n'en avait cure. Certes, cela cassait un peu son image de héros viril mais il s'en fichait. Vomir partout aussi ça cassait le mythe et en plus c'était désagréable. Pendant que le mercenaire dégustait sa tisane et que Barret jouait avec sa fille, Biggs, aidé par Wedge, entreprit de raconter à Tifa les événements qui s'étaient déroulés au réacteur, ne tarissant pas d'éloges à propos de Clad.
- Allez bande de fainéasses, tous au QG et maniez vous le cul ! rugit soudain Barret.
- Barret Wallace ! Je t'ai déjà dit cent fois de surveiller ton langage devant Marlène !
Le réprimanda Tifa. Sourd à sa remarque, le géant suivi de son équipe et du mercenaire s'approcha du flipper. C'était une vieille machine rivée au mur, ses cadrans étaient fissurés, ses ressorts détendus et ses couleurs délavées. Barret plongea son immense main sous le flipper couvert de poussière et activa quelque chose. Aussitôt la machine, le pan de mur et le sol auxquels le flipper était fixé se mirent à descendre. L'ascenseur camouflé s'arrêta dans une vaste pièce que Barret illumina en appuyant sur un interrupteur.

  Chapitre 6 sur 11  

A mon tour maintenant !, Camélia, Arc 4 Thèmes
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